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Silvia Coarelli «Le but est d'éviter une hémorragie d'artistes vers l'Europe ».

Musique
Zara Kadiri
Editor Made in Tanger
22 juin 2011

Française par sa mère, italienne par son père, Silvia Coarelli a choisi de poser ses valises à Tanger il y a un peu plus d'un an pour produire des artistes africains. Elle se confie à Made in Tanger : son arrivée, son intégration, son travail et sa vie dans la ville du Détroit.

Made in Tanger : Comment êtes-vous arrivée à Tanger ?
Silvia Coarelli :
Je travaille dans la musique du monde, j'ai de nombreux artistes marocains, algériens, africains et en Europe, j'avais de plus en plus de mal à les faire rencontrer entre eux. Donc il fallait que je choisisse un endroit en dehors de l'Europe pour accueillir les artistes sans avoir besoin de visa. Et en faisant un peu le tour, j'ai choisi le Maroc et la ville de Tanger qui ressemble le plus à Naples, d'où je viens : ports sur la méditerranée, lieux de passage et même ambiance de rencontres.

Made in Tanger : Quelles sont vos différentes implications à Tanger ?
Silvia Coarelli :
Quand on commence à travailler dans la culture, on rencontre nécessairement beaucoup de personnes et il y a un tel besoin de communication, surtout par rapport aux italiens qui sont là (contrairement aux français qui ont déjà un réseau bien développé). Les italiens n'ont pas de réseau, nous sommes moins nationalistes je pense, on se mélange plus. L'idée était de rester dans cette « anarchie » d'organisation mais en même temps, d'organiser des événements qui pourraient les intéresser et les toucher. Donc je fais le lien entre la communauté et les événements ici, et surtout j'ai l'avantage de parler français.

Made in Tanger : Comment gérez-vous vos artistes ?
Silvia Coarelli :
En Europe, le marché s'est beaucoup fermé. J'ai des artistes qui me demandent de m'occuper d'eux, ça se fait aussi au hasard des rencontres et des contacts. J'ai trois artistes algériens dont je m'occupe, j'ai une artiste marocaine, une du Cap Vert, une d'Angola, un peu de partout. Le plus important pour moi est de ramener des moyens de production dans les pays de l'artiste. Donc je fais le parcours inverse : au lieu d'envoyer les artistes africains en Europe, on vient les produire chez eux avec notre technique et notre technologie. Ce qui manque en Afrique aujourd'hui, ce ne sont pas les moyens mais les écoles pour former ces techniciens. Et en même temps, on peut les faire rencontrer. Le but est donc de créer une économie autour d'eux et éviter une hémorragie d'artistes vers l'Europe. Ils ont quand même un rôle social et politique à jouer chez eux et en étant loin, ils ne le font pas.

Made in Tanger : Est-ce que vous ramenez les artistes africains au Maroc ?
Silvia Coarelli :
Oui je suis en train de m'équiper, de trouver des sponsors, de retisser mon réseau. L'idée est que ça profite à la ville de Tanger. Je vais travailler sur le territoire grâce à la fondation Elisa Chimenti, au COSPE et aussi au théâtre Darna avec qui on a monté un spectacle de tarentelle. Ce sont des choses qui se font doucement, lentement mais ça vient.

Made in Tanger : On a parlé des artistes, de votre travail, parlez-moi de votre vie à Tanger...
Silvia Coarelli :
J'adore ma vie ici, j'adore le rythme de vie ici, la tolérance des gens. On dit que les gens du Nord sont fermés mais je trouve qu'on s'intègre bien, il y a une vraie vie de quartier. On participe vraiment à la vie sociale, on est accepté avec nos différences, avec nos mœurs peut-être choquantes au début mais après ils acceptent notre mode de vie. En plus j'ai choisi d'habiter dans la médina pour l'intégration. On a la possibilité de côtoyer autant le ministre que le gardien de la rue, on trouve de tout partout, c'est super.

Made in Tanger : Quels sont vos endroits fétiches à Tanger ?
Silvia Coarelli :
J'espère que le théâtre Cervantes sera un jour à nouveau ouvert. Evidemment le palais des institutions italiennes qui est un monument magnifique et qui relie le Maroc à l'Italie de façon concrète, c'est mon endroit magique. Et j'aimerais que les marocains et les tangérois puissent y accéder plus facilement et le redécouvrir parce que c'est un patrimoine à eux. Mon grand rêve serait de faire de ce palais une école d'art avec photo, peinture, cinéma, théâtre, musique, c'est l'endroit rêvé et c'est aussi le gros savoir-faire du made in Italie. Autre endroit fétiche, la mer et l'océan c'est aussi la magie du Maroc, avoir le pied dans les deux mers. Le petit Socco qui grouille de tout, j'adore et tous les petits endroits bien cachés de la médina. Et l'endroit que j'adore aussi pour le poisson, c'est le port, on mange directement chez les pêcheurs, on mange tout frais, avec les mains, c'est génial.

Interview et photo Zineb Bennouna

Zara Kadiri
Editor Made in Tanger
22 juin 2011

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