La Villa Harris : un monument à l’abandon

Lieu
Julien Antinoff
Editor Made in Tanger
24 juin 2013

Construite fin XIXe siècle par Walter Burton Harris, la Villa Harris menait une existence paisible jusqu’à son abandon au début des années 90’. Depuis, le lieu tombe en ruine, les sans abris l’occupent et la dégradent, tandis que des promoteurs immobiliers rêvent d’y installer leur projet.

À la fin du XIXe siècle, un journaliste britannique, Walter Burton Harris s’installe à Tanger. Envoyé spécial du prestigieux magazine Times, il construit une maison sur un domaine de neuf hectares, dans la zone, aujourd’hui touristique, de Malabata. Au coeur de ce vaste jardin, le journaliste cultive des essences et plantes rares, qui ne sont pas sans rappeler celles de la forêt de Perdicaris. L’intérieur de style hispano-mauresque, mélange avec raffinement bois sculpté et peint aux plafonds, ainsi que du plâtre sculpté et du zellige polychrome sur les murs. Petit à petit, le lieu devient célèbre dans la ville.

La légende veut qu’un soir, Burton Harris perdit énormément d’argent au casino. Les dettes étant trop importantes, il cèder sa villa au propriétaire de l’établissement, un certain Onofre Zapata. Ce dernier transforme, alors, la Villa Harris en un Casino-Parc. L’occupation de la ville par les troupes espagnoles en 1940, met fin à cet espace de loisirs, et c’est seulement vers les années 70 que l’on reparle de la Villa Harris. Rachetée par le Club Méditerranée, un des clubs de vacances de la chaîne hôtelière est aménagé autour de la villa. Le club quitte les lieux vers l’an 2000, une fin brutale pour le domaine. 

Dégradations et projets
Après le départ du Club Med, le Villa Harris est pillée, saccagée, et livrée à elle-même. Avec le temps et les conditions climatiques, la bâtisse tombe en ruine et le jardin luxuriant d’antan n’est plus qu’un souvenir. Appartenant au domaine d’État, le lieu est devenu le refuge des vagabonds et autres sans abris, sans la moindre réaction des autorités. Dans une lettre publiée en 2011, l’écrivain et professeur universitaire Mokhtar Chaoui accusait les autorités “de détruire ce patrimoine au profit d’une minorité de nantis et de profiteurs”. Par ces termes, il visait explicitement les magnats de l’immobilier qui laissent pourrir la situation afin de convertir ces endroits en projets touristique. Inscrite en 2007 comme espace d’intérêt historique et naturel sur la liste du patrimoine culturel national, les pouvoirs publics de Tanger iront jusqu’à demander le déclassement du lieu. Une demande qui accrédite la thèse de l’écrivain. 

L’association Tingitania avait aussi lancé une pétition pour la protection et la réhabilitation de la Villa Harris, son président Yassine Madani expliquait, à l’époque cette démarche : “Notre objectif à travers le lancement de cette pétition est de sensibiliser l’opinion publique sur le sort de la Villa Harris. (...) Nous appelons de ce fait, à réhabiliter la villa pour la rendre plus accessible aux habitants de Tanger”. Malgré toutes ces initiatives, pour l’instant, rien n’a vraiment bougé et le lieu continue de dépérir !

Texte Julien Antinoff

Photo Kalamoukoum1

Julien Antinoff
Editor Made in Tanger
24 juin 2013

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