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Hervé M. Sevat, portraitiste et capteur d’émotion à Essaouira

Pour le regard de Lalla M’Barka
Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
26 mars 2015

Parce qu’à l’instar de la jeune fille à la perle ou d’autres portraits célèbres au travers l’histoire de la peinture, la force et la qualité d’un portrait se devinent quand c’est ce dernier que l’on connait, que l’on nomme… Derrière le portrait ; Hervé M. Sevat aux pinceaux.

Contre une mélancolie passéiste et l’apologie de l’anecdote

Dans sa galerie – originellement boutique d’antiquité : la Compagnie des Caravelles - au n°8 d'une petite ruelle sur la gauche en allant en direction du Mellah, dans la médina d’Essaouira - dans un renfoncement comme une alcôve, jonchée de pinceaux et autres pigments, un homme lève son visage de son pupitre. Ses yeux pétillants d’adulte insoumis, d’indécrottable enfant, nous accueillent entre curiosité, malice et pudeur. Nous avons pris contact avec lui car son exposition à l’Institut Français d'Essaouira nous a touchés, profondément, et nous n’étions pas les seuls à repartir enveloppés de la mansuétude du regard de Lalla M’Barka, de la vivacité de celui de Khada, l’espièglerie, la foi, l’incrédulité, l’immanence… Tout ce que l’on peut lire dans les regards de ces femmes et hommes. Et de ces vieux qui nous interrogent, de ces jeunes qui nous séduisent...
Car les portraits d’Hervé sont animés, les regards de ses personnages vous observent, vivants, émouvants, touchants. Ils sont tout sauf immobilisme et nostalgie d’un Maroc oublié. Peut être parce que lui-même exhale ce parfum familier de ceux qui ne veulent pas vraiment grandir, en tous cas vieillir, et restent connectés à ce qui fait battre leur cœur, se refusant d’être cyniques, blasés. Hervé commence par livrer son identité d’artiste, ce en quoi il se définit. D’abord humble, il se dit le premier étonné des retours extrêmement positifs qu’il a de ses portraits ; amateur d’art, dessinateur et peintre depuis son plus jeune âge, Hervé a repris ses pinceaux il y a seulement deux ans ! Ses portraits, dit-il, "ne représentent pas des scènes de vie d’un homme sur son âne, ils ne sont pas nostalgie, ou couleur locale". Hervé le revendique : " si ces portraits se sont présentés comme une évidence, en souvenir des visages de l'enfance, il s’agit de mettre sur papier un Maroc traditionnel en voie de disparition mais sans nostalgie, juste le désir de fixer sur le papier des regards, des émotions, avec le plus de sincérité possible et en essayant d'éviter l'anecdote."

Celui qui ne demandait pas son chemin

Les visages de l’enfance constituent le fil d’Ariane à la lecture de l’œuvre de Sevat car c’est de son enfance algérienne qu’il est nourri. Chacun de ses portraits a d’ailleurs un nom, bien entendu, algérien le plus souvent. Hervé se livre peu à peu et nous raconte l’exil à dix ans, contraint de quitter cette terre algérienne qu’il chérit tant. Il dessine et peint très tôt puis se dirige vers des études de droit. Il est aussi plus tard marchand d’antiquités alors qu’il exerce dans un cabinet d’avocat et son Algérie lui manque et l’habite continuellement. Bien sûr il y aura des errances (quand on ne demande pas son chemin, cela prend du temps) : le droit, la vente d’antiquités, le retour au pays natal et la recherche d’un lieu pour se "rassembler".
Aujourd’hui chacune de ses étapes a pris sens. Son Algérie natale, Hervé y est retourné et, sur la route de sa maison, plus de vingt ans plus tard, n’a pas voulu demander son chemin. Il a, malgré la ville transfigurée, retrouvé pas à pas et grâce à la prégnance de ses souvenirs, des figures qui ont constitué son inspiration. Probablement a-t-il, à ce moment-là, posé les prémices de ce qui allait se passer des années plus tard ; la sublimation de cette enfance dans ces visages qu’il anime d’un souffle bienveillant. Et cette façon de sentir les choses, de ne pas demander son chemin lui aura permis pendant des années de se saisir patiemment de ces petits signes que nous donne la vie et qui constituent un grand ensemble lorsqu’enfin l’on se sent épanoui, comme le dit Hervé, "rassemblé".
Car à Essaouira il a réussi la fusion de cette part d’enfance qui, jusque là, partout, le faisait se sentir tiraillé, amputé. Lorsqu’il arrive la première fois à Essaouira il y a une trentaine d’années, il regarde l’océan, se tourne vers les remparts déserts et voit passer derrière un palmier une femme en Haïk et se dit " voilà, c’est là ! " Car la voici sa madeleine : le haïk, réminiscence de ceux que portaient ses nourrices quand il était petit, réminiscence de cette enfance qui ne cesse de l’inspirer. Et tout se passe ainsi avec ces petits signes que l’on choisit de voir ou pas comme lorsqu’il nous raconte l’acquisition de sa maison de médina il y a trente ans, avec des amis et que, demandant l’adresse il réalise qu’elle se situe « rue d’Algérie », le fait également qu’il prend conscience que son inclination pour la vente d’objets d’antiquités a quelque chose à voir avec ce passé avec lequel il ne parvient pas à renouer des années durant, ses objets et jouets – à défaut de pouvoir recouvrer les personnes- abandonnés dans l’exil. Et tout ceci prend sens alors qu’à Essaouira, dans sa boutique d’antiquités, il prend les pinceaux pour retranscrire ses visages, leur présence, leurs regards. 

Sa signature, son actu, ses projets

S’il est un autre domaine, un autre parcours dans lequel Hervé M. Sevat n’a pas demandé son chemin, c’est celui de la peinture ; il nous l’apprend " j’ai eu des cours d’histoire de l’art mais n’ai jamais appris à dessiner ". Quand on voit ses portraits, on a du mal à y croire ! Mais réellement, au-delà de la technique et du coup de crayon, ou de pinceau, là où Sevat excelle c’est dans le fait de faire jaillir cette émotion, dans le regard de son modèle et chez les spectateurs. Il nous racontait, ému, l’achat de son portrait préféré : Lalla Yasmina par son acquéreur les larmes aux yeux, lors du vernissage à l’Institut Français. Et c’est étonné et touché qu’il assiste à l’émotion que ses toiles suscitent. Pour cela, il a une technique assez atypique, il utilise l’aquarelle mais comme une technique sèche, ce qui est assez délicat semble-t-il mais donne un rendu plus proche de la peinture à l’huile. Sevat souhaite se diversifier, il réfléchit à plusieurs choses : au niveau de la technique ; peut- être exploiter davantage la peinture à l’huile. Des idées sur le minimalisme qui le fascine également et qui fait écho à ce travail de la main, ce travail d’orfèvre qu’exerçait sa grand-mère ainsi que de nombreuses femmes algériennes dans l’atelier de Blida
Il travaille également à un projet d’édition limitée des portraits en impression sur papier d'art et peut être de cartes postales. Enfin, il effectue quelques travaux dans sa boutique d’antiquité, galerie en devenir, afin de vous recevoir au mieux. En attendant une prochaine exposition, si vous passez rue Eddakhil, venez découvrir ses visages, figures intemporelles, rendues à la vie par Hervé M. Sevat.

Texte et Photo Nathalie Perton

Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
26 mars 2015

La Compagnie des Caravelles

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8, Rue Abderramane Eddakhel 44000, Essaouira
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+212524474289

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