Ahmed Adallouch, portrait sensible

PEINTURE
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
6 juin 2011

Dans sa galerie de l’ancien Mellah, autour d'une table "beldi" et d'une théière fumante, Ahmed Adallouch nous livre une interview teintée de pudeur et de retenue, révélant le parcours d’un jeune berbère qui, du bled à la ville, a su garder son inspiration première et forger son talent. Questions de matières, toutes en nuances, à Essaouira.

Maturité et liberté créatives obligent, Ahmed Adallouch peint aujourd'hui avec sérénité, à l'envie et sans régularité, toujours en nombre, jamais par obligation. Pourtant, sa jeunesse dans l'arrière pays d'Essaouira, sa famille indifférente aux considérations artistiques, la pression d'une réussite pour un avenir assuré : rien ne le destinait à devenir l'artiste libre qu'il est aujourd'hui. Mais à force de ténacité, exposant ses premiers dessins sur les murs de l'école, soutenu par quelques professeurs, et n'ayant au cœur et à l'esprit qu'une évidence, celle de peindre, il finit par devenir un des peintres incontournables d'Essaouira. Il expose aujourd'hui au Maroc, en France et dans sa ville surtout.

Ahmed a toujours "plusieurs travaux en cours" et durant ses "phases productives" vit en relation constante avec ses œuvres, s'imprégnant de toutes à la fois pour les faire se correspondre. "Quand je mange, quand je bois un thé, je les regarde" nous dit-il, travaillant d'abord "en plusieurs étapes la matière première" sur laquelle ensuite il peindra.

Féminité 100 % acrylique

Autour de nous ses œuvres, abstractions en clair-obscur et couleurs s'entrechoquent dans le relief et la transparence. Invariablement peintes à l'acrylique, des silhouettes, lunes, villes, fibules d'antan, apparitions sensuelles, filigranes ou surimpressions, suggèrent toutes à leur tour son inspiration première : l'amour de la féminité, "la femme, la mère, la sœur, l'amie".

Son processus créatif ? Ahmed puise dans la matière et dans les mots. Pour lui, tout est support, exploitant aussi bien la trame d'une porte d'armoire qu'une planche dépolie trouvée sur un chantier, ou encore un proverbe qui servira de trame, abstraite celle-ci, à des formes girondes ou graphiques. Un esprit récup' qui n' a rien de cheap mais confine au contraire à des tendances chic, décalées et décoratives. Parlons de décoration justement, car Ahmed décline aussi son talent en matière de peinture, décorative celle-ci, dans certains des plus beaux hôtels et riads d'Essaouira. Travaillant ses patines ou trompe-l'oeil aux côtés de grands cabinets d'architecture et de design, on note quelques références déco comme le Sofitel Mogador Golf & Spa, la Villa de l'Ô, La Casa Lila ou le Jardin des Douars.
Un travail qui libère par ailleurs sa créativité, car selon lui on "ne peut pas créer si on est obligé de peindre pour vivre". Rien de pire pour l'artiste en somme que produire à des fins commerciales. "Plutôt que dix tableaux sur commande, je préfère avoir une seule toile dans ma galerie, si elle vient de mon inspiration".
Heureusement pour nous, Ahmed Adallouch, le berbère, l'homme libre, reste résolument attaché à sa ville. Car d'Essaouira, où il a "tout appris", il nous dit qu'elle est "comme une île sur laquelle on revient toujours et dont on ne peut pas vraiment partir".

Texte Alice Joundi
Photo DR

 

 

 

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
6 juin 2011

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