Rabat : Un nom de guerre

Histoire & Patrimoine
Camille Chaumeron
Editor Made in Rabat
29 juin 2016

Si les premiers peuplements à Rabat sont attestés dès le VIIIème siècle avant notre ère, la capitale du Maroc connut différentes périodes de développement et de déclin et acquit sa dénomination actuelle bien des siècles plus tard. Mais quelle est réellement l’origine du nom "Rabat" ou "Ar-Ribat" en arabe ? Et si tout cela était une histoire militaire, une histoire de guerre? Retour historique sur les différents noms de la capitale marocaine.

Dès l’Antiquité, les Romains s’installèrent dans la vallée du Bouregreg, comme l’attestent les ruines que l’on peut aujourd’hui admirer sur le site archéologique du Chellah. Cette dénomination fut héritée de la déformation du premier nom que donnèrent les Romains à cette ville : Sala Colonia. Sala était alors le nom donné au fleuve coulant au milieu de la vallée, le Bou Regreg, sur lequel les Romains édifièrent un port fluvial qui fut florissant jusqu’à la chute de Rome. Suivit alors une longue période de déclin où seuls subsistèrent quelques tribus berbères, installées de part et d’autres du fleuve. La tribu amazighe des Ifrénides fondèrent au Xème siècle la ville de Salé, plus ancienne que sa sœur rivale Rabat, et la proclamèrent capitale.

Ar-Ribat : Un retranchement militaire

En 1048, le mouvement Almoravide, fondé au sud du Maroc, entama une large conquête vers le nord. Pour préparer la prise de Salé, la dynastie des Almoravides construisit alors le fort Senhadji sur l’éperon rocheux qui faisait face à la jeune ville de l’autre côté du fleuve. Les premières pierres de ce qui deviendra la Kasbah des Ouadaïas furent alors posées. Salé fut conquise en 1068 et la nouvelle dynastie poursuivit sa conquête plus au nord, jusqu’à la péninsule ibérique. Depuis lors, l'emplacement du fort Senhadji garda une grande importance militaire.

Si bien qu’en 1150, la nouvelle dynastie des Almohades y édifia une grande forteresse, lieu stratégique de rassemblement pour les combattants de la foi en partance pour la conquête de l’Andalousie ou du reste du Maghreb. Ar-Ribat, couvent militaire ou forteresse, le mot peut prendre différents sens, mais réfère toujours à la bâtisse fortifiée qui fut édifiée en hauteur sur l’embouchure du Bou Regreg. Dans un premier temps dénommée Ribat Al-Salé, elle fut renommée Ribat Al-Fath, la « forteresse de la victoire », en hommage aux conquêtes almohades en Andalousie.

Un âge d’or avorté

Les héritiers de l’empire almohade, qui s’étendaient de la Castille à la Tripolaine, et plus particulièrement le grand bâtisseur Yacoub El Mansour, avaient de grands projets urbains pour le Ribat El Fath. Ils firent construire de grandes murailles couvrant plus de quatre cent hectares pour encourager le développement d’une nouvelle ville autour du Ribat, et commencèrent la construction de l’une des plus grandes mosquées de l’époque : La Tour Hassan. Mais cette Mosquée ne fut pas achevée et la ville ne reçut jamais toute la population qu’elle aurait pu accueillir. Ainsi commença un nouveau déclin pour Ribat Al-Fath. Mais qu’importe, la ville avait désormais un nom qui lui restera fidèle, ou presque : Ar-Ribat ou Rabat.

Ce déclin perdura jusqu’au XVIIème siècle, quand affluèrent à partir de 1610 les populations musulmanes réfugiées d’Andalousie, qui vinrent grossir largement la population de la ville et dont les descendants sont aujourd’hui considérés comme les R’batis "de souche". Pendant quelques décennies, la ville fut connue en Europe sous le nom de "Salé-le-neuf", qui devint le premier port du Maroc. Une nouvelle ère de développement commença pour la ville, qui prit finalement sa revanche sur l’histoire en étant consacrée capitale du Royaume du Maroc en 1912, sous l’impulsion du Général Lyautey et du protectorat français.

Texte et Photo : C. Chaumeron

 

Camille Chaumeron
Editor Made in Rabat
29 juin 2016

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