Shamablanca, Casa la bête, Casa la folle

Livres
Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
31 mars 2011

Journaliste à TelQuel, étudiante en parallèle et écrivain, Sonia Terrab, 26 ans, nous raconte sa vision de Casablanca avec son roman Shamablanca. Made in Casablanca a plongé dans la jungle urbaine avec elle.

Made in Casablanca : Votre personnage principal a un désir de quitter Casablanca : Etait-ce votre cas ?
Sonia Terrab :
Oui et non. J'ai commencé à écrire mon roman quand je vivais à Casa mais j'ai eu besoin de la quitter pour le finir. Je le savais et je l'ai fait. Je crois que c'était surtout un besoin de solitude, d'espace, le besoin de m'éloigner pour mieux écrire la ville, ses impasses et son paradoxe.

Made in Casablanca : Casa est-il, comme vous l’écrivez dans votre livre, « une jungle » ?
Sonia Terrab :
Oui, c'est une jungle. Une jungle urbaine, mouvante, qui inspire. Je lui reproche parfois son énergie négative, son chaos, ses rues dangereuses, mais c'est une ville qui respire de tous ses pores, même si elle étouffe, elle vit d'adrénaline, elle est belle dans sa sauvagerie. Je crois qu'il faut d'abord la haïr pour ensuite l'aimer.

Made in Casablanca : Casa la folle, Casa la bête : n’y a-t-il pas un moyen de dompter cette bête ?
Sonia Terrab :
Dompter la bête? Trop facile. Pour moi, Casa est une femme et on ne dompte pas les femmes. Même quand on le croit. Elle a son langage, ses raisons, ses réseaux. Il faut se laisser dompter par elle, lui obéir, et c'est ça, le plus gros défi, celui de l'abnégation de soi au profit d'une ville tentaculaire.

Made in Casablanca : Malgré tout, la ville ne doit pas être si terrible que ça… Comment faites-vous pour quitter le rythme, le stress de Casablanca ?
Sonia Terrab :
En ce moment, je vis à Paris. Quand je ne vais pas bien, j'ai besoin de claquer la porte et me perdre dans la foule. Ca fonctionne, ça me réconcilie avec moi-même, avec le monde. A Casa, quand je m'y rends, je ne peux pas faire ça, ou alors, écouteurs aux oreilles, le sac en bandoulière et le pas volant, vite, vite, ne rien entendre, ne pas trop voir, tête baissée, foncer. Je n'ai jamais été agressée ni quoi que ce soit mais la peur est toujours là. Au Maroc, on ne le répètera jamais assez, marcher dans la rue pour une femme est un acte courageux, un acte de foi, de liberté qui s'arrache. Ce n'est pas agréable. Et ce n'est pas vivable.

Made in Casablanca : Où vous réfugiez-vous ? Avez-vous des adresses, des points de chute où vous pouvez rester à Casa sans être dans son fourmillement incessant ?
Sonia Terrab :
Quelques endroits, mais chez des amis. C'est une ville où l'on se balade de bulle en bulle. Les miennes sont privées. 

Made in Casablanca : Dans votre livre, vous imaginez un lieu, l’Amz… Qui nous fait penser à un autre lieu bien connu des casablancais.
Sonia Terrab :
Oui, dans mon roman, on retrouve l'Amz, clin d'oeil à l'Amstrong, pépinière de nuit des jeunes marocains à l'image de Shama, mon héroïne.

Made in Casablanca : Quel est le pire défaut de cette ville selon vous ?
Sonia Terrab :
Ses voitures tamponneuses (et bruyantes, voir notre sujet sur Casablaklaxoon, ndlr).

Made in Casablanca : Sa plus grande qualité ?
Sonia Terrab :
L'océan à son chevet.

Interview Mathias Chaillot
Photo
Hicham Alaoui

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Shamablanca, de Shama Terrab aux éditions Séguier, disponible au Carrefour des livres et dans de nombreuses librairies.

Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
31 mars 2011