Amina Alaoui Hachimi, les livres et les arts

Elle aurait du servir la loi, elle a finalement épousé les livres. Amina Alaoui Hachimi, après ses études de droit, était destinée au barreau - elle s’apprêtait justement à faire un stage chez un avocat – mais le destin en a décidé autrement. Un remplacement dans une librairie (où elle a finalement été embauchée) l’a fait changer de voie. Quatre ans au même endroit puis, au moment de la fermeture de la librairie, l’envie de se lancer. Avec une amie, elle monte Le Carrefour des livres en 1984, et décide de faire son métier autrement des autres. Les rencontres avec les auteurs deviennent régulières. « Avant, il n’y avait que l’Institut français qui le faisait, les librairies n’osaient pas. » Aussi amatrice d’art, elle propose déjà un petit rayon aux peintres à la recherche d’un lieu d’exposition. La librairie prend de l’ampleur, gagne en réputation, et devient vite exiguë.
C’est à ce moment qu’Amina décide aller voir ailleurs et ouvre un deuxième lieu, Le Carrefour des arts. « Au début, c’était l’antenne artistique du Carrefour des livres, mais aujourd’hui, il a sa propre identité. A l’époque, la plupart des galeries fermaient leurs portes, et moi j’ouvrais. C’est un rêve qui a pris forme. »

Un livre, un enfant.

Ici, livres et tableaux cohabitent. Elle lance quelques jeunes artistes marocains, ouvre son espace pour des ateliers, et décide de monter d’un cran. De ses ateliers, elle fait des livres, en commande d’autres à des auteurs, qui deviennent ensuite à leur tour des ateliers sur l’artisanat, auprès de tous les publics. Et puis un jour, elle en a marre. Marre de se rendre dans les salons avec ses bouquins pas chers et pas cartonnés. « Je me suis dit : j’y retournerai quand j’aurai la même qualité que les autres. » Au même moment, elle lance l’opération Un livre, un enfant, pour distribuer gratuitement les fruits de sa petite maison d’édition aux plus défavorisés. « On proposait aux acheteurs des livres de ma maison d’édition, destinés aux enfants, de prendre un exemplaire de plus qu’on allait ensuite distribuer. » Amina hésite, touche ses lunettes. « C’est tellement beau un livre, et le fait de les donner… Très émouvant. » En 2008, Fès lui en achète 65.000. Grosse rentrée d’argent pour Yanbow Al Kitab, sa maison d’édition. Amina peut alors enfin courir à nouveau les salons, ses livres avec de belles couvertures sous le bras, tout en continuant d’accomplir son rêve : mélanger l’art et les livres, et les proposer à tous.

Texte & photo Mathias Chaillot