Mounira Bouzid El Alami

Présidente de l’Association Darna
Camille Alary
Editor Made in Tanger
11 mars 2014

Mounira Bouzid El Alami a fondé l'association Darna il y a presque 20 ans. Elle nous en dit plus sur son parcours, ses motivations, sa vie...

Quel est votre parcours ?

Je suis née en 1944 à Marrakech. (et oui, j’ai 70 ans…) J’ai grandi dans la campagne non loin de là, à Tamlelt, au sein d’une famille de douze enfants. Mon père était adjoint de santé et il avait tendance à adopter... et bien que ma mère ne sache ni lire ni écrire, ils investissaient tout leur argent dans notre éducation. Nous avions une institutrice qui venait à la maison. Puis à l’indépendance, mon père a été nommé au sein du ministère de la santé à Rabat. J’ai été au Lycée Lalla Aïcha, où nous étions, peut être seulement, deux marocaines par classe à l’époque. Puis j’ai passé mon Bac avant de partir poursuivre mes études en France en 1963, en prépa à l’école normale supérieure de Paris, où j’ai commencé la psychologie et la sociologie. Par la suite, je me suis dirigée vers la Sorbonne où j’ai eu la chance d'intégrer le groupe de recherche d’Alain Touraine à Nanterre, avec les instigateurs de mai 68. Etant boursière de l’état français, j’ai pu m’orienter en psychanalyse au sein de l’école de Françoise Dolto. Mais je n’avais alors qu’un seul objectif, rentrer au Maroc.

En 1974, je pars pour Rabat. J’ai une fille de 4 ans, qui s’appelle Yto Barrada. Son père est contraint de rester en France. Mais je ressens comme un sentiment de dette vis à vis de la catégorie sociale d’où je viens. Je trouve donc un travail en tant que directrice d’un centre pour oligophrénes profonds. J’ai eu une grande liberté durant les deux premières années où j’ai pu gérer les choses à ma manière. Puis, un nouveau supérieur a voulu revenir à la tradition d’enfermement. Dès lors, j’ai quitté le centre et pris une décision : ne plus jamais avoir de patron.

En 1977, j’ai rencontré mon second époux, un industriel casablancais. Ne voulant pas le rejoindre à Casa, nous avons décidé de nous installer à Tanger.

J’ai commencé par ouvrir un cabinet de psychothérapeute mais je n’étais pas satisfaite de ma situation car je n’étais au service que de l’élite. Parallèlement, j’apportais mon aide à toutes les associations de la ville pour lesquelles je militais de façon non-violente et légaliste, mais à chaque fois qu’elle commençait à se structurer, l’association s’arrêtait.

En 1995, j’ai rencontré un groupe de militants, enfermés durant 10 ans à Kenitra, et parmi eux, quelques tangérois avec lesquels nous avons entamé la création d’un centre culturel d’initiatives citoyennes. C’est ainsi que Darna a débuté.



Qu’est ce que Darna ?

C’est une association d’utilité publique qui vient en aide aux enfants et aux femmes victimes d’une grande précarité. Notre but est de leur apporter un soutien mais également une formation afin d’assurer leur avenir et de leur montrer qu’ils sont capables de générer leurs propres revenus. Ce sont les enfants qui ont donné ce nom à l'Association, Darna, autrement dit, notre maison.


Quelles structures Darna a mises en place depuis sa création ?

En Mai 2000, nous avons réhabilité la maison communautaire des Jeunes du Détroit, dite Maison bleue, qui offre des ateliers et une formation professionnelle aux jeunes de 13 à 17 ans.

Puis nous avons ouvert, successivement :

- En Juillet 2001, un refuge de nuit pouvant accueillir une cinquantaine d’enfants.

- En juin 2002, la Maison communautaire des femmes, et deux ans plus tard, la boutique de vente de produits confectionnés lors des ateliers. Notre logique veut que deux tiers du prix de vente soit reversé à la femme qui a fait le travail, et le tiers restant revient à l’association.

- En 2004, la ferme pédagogique où les enfants peuvent découvrir librement la nature, et peu après, nous avons créé le Théâtre Darna, dont les actions cherchent à promouvoir le développement de la culture populaire dans la ville.

- En 2009, Darna inaugure le Foyer des jeunes filles qui vise à fournir un toit aux étudiantes issues de milieux modestes des environs de Tanger.



Comment subvenez-vous aux besoins de l’association ?

Une partie est autofinancée par les revenus de l’association, la vente de produits… Mais une autre partie provient majoritairement de nos partenaires internationaux, nos donateurs et bienfaiteurs, que nous remercions infiniment pour leur soutien. Certains nous ont aidés depuis le début, d’autres occasionnellement, mais à chaque fois c’est un geste qui compte.



Darna en chiffres :

- 6 structures associatives

- 10 intervenants bénévoles

- 40 filles au foyer des jeunes filles (pour infos, 60 places sont toujours disponibles)

- 50 jeunes en formation professionnelle qualifiante

- 60 enfants par jour participent à des ateliers et des activités compensatoires de soutien et d’accompagnement scolaire

- 50 salariés répartis sur les différentes structures

- 200 femmes par jour à la maison communautaire des femmes

- 1 000 000 Dhs nécessaire par an, au minimum, pour maintenir Darna, de façon très basique


Camille Alary
Editor Made in Tanger
11 mars 2014