Cotta, la première usine de Tanger

Patrimoine
Camille Alary
Editor Made in Tanger
14 novembre 2014

Le patrimoine de Tanger regorge d’anecdotes historiques qui ne demandent qu’à être décortiquées, puis savourées avec retenue, ou sans modération. Le site de Cotta fait partie des traces du passé glorieux de la région Nord du Maroc, dont les siècles n’édulcorèrent aucunement la transcendance des mythes contés à travers les granites du temps. Longtemps oubliée, elle a refait surface il y a un peu plus d’un siècle.

 

Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle, que Charles Tissot, diplomate et archéologue français, pionnier de l'exploration de l'Afrique du Nord ancienne, né en 1828 et mort en 1884, accompagné de Gaston Buchet, chargé de mission du Ministère de l'instruction publique, ont découvert les traces de ces vestiges. Pline l'Ancien, écrivain et naturaliste romain du 1er siècle, auteur d'une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle, aurait mentionné ce site dans ses ouvrages.

Les premières fouilles y ont été effectuées par l'archéologue espagnol Luis-Cesar de Montalban, mais c'est à Michel Ponsich que revient le mérite d'avoir dégagé ces ruines et d'avoir apporté des précisions quant à leur chronologie. En 1959, des fouilles réalisées grâce à des sondes modernes pour l’époque, ont permis d'affirmer que le site était occupé dès les III-IIème siècles av. J-C.

Ce savant a consacré une grande partie de son existence à la recherche et la mise à nu de du fonctionnement et de l’organisation des industries de salaison de poissons, sur une grande étendue du littoral méditerranéen et Atlantique marocain, ainsi que sur celui de l’Espagne méridionale. Il a notamment étudié les sites de Lixus, Kouass, Tahadart et même du côté du Sahara.

De ses nombreuses investigations archéologiques, il décrit le site de Cotta comme suit « De son côté, l’usine de Cotta est la plus complète et la mieux conservée du bassin méditerranéen occidental, avec son bloc central affecté à la salaison proprement dite, sa chaufferie, ses salles de réception, de répartition et de préparation, ses magasins, son puits, sa tour de guet ; sa construction est datable de la fin du 1er siècle av. J-C, et son abandon de la fin du IIIème siècle ap. J-C.”

La situation géographie de l’usine a sûrement été l’une des raisons de sa grandeur et son succès, la porte du détroit étant un point stratégique pour une navigation de cabotage. C’était l’un des piliers le plus notoire du « circuit du détroit » qui regroupait plusieurs usines du Sud de l’Espagne et du Nord du Maroc.

Si l’usine était connue pour son industrie de salaison, c’était également un lieu de fabrication de garum ou sauce de poisson,  très appréciée à l'époque romaine. Considéré comme un produit cher et de luxe, la base de celui-ci consistait en la macération de poissons salés, abats (œufs, le sang, les intestins, tripes ...), souvent mélangés avec des petits poissons entiers. Son goût, assez fort, venait relever des plats de crevettes, oursins, huîtres, coques, palourdes et autres coquillages.

Il y a peu encore, il suffisait de parcourir quelques centaines de mètres après les grottes d’Hercule pour pouvoir apprécier les décombres d’une ancienne civilisation, et nul besoin d’un savoir d’expert pour appréhender les mécanismes architecturaux de l’époque que l’on transpose mentalement en redonnant vie aux pierres avachies par le temps et émiettées de part et d’autre par les siècles passés. Ce n’est pas tant les ruines qui fascinent que la perspective d’une civilisation enfouie, et qui, à l’époque se dressait fièrement sur ces terres, désormais maghrébines. Mais le site de Cotta se meurt sous l’oubli et la négligence de sa richesse patrimoniale. Il fut un temps où les férus d’histoire et les amoureux des vestiges d’autrefois pouvaient librement étancher leurs curiosités et rassasier leurs faims de savoirs architecturaux antiques jusqu'à plus soif.

Aujourd’hui la situation a changé, depuis qu’un prince saoudien a débuté la construction d’un palais monumental, cloîtré derrière d’immenses palissades de plus de 3 mètres de haut, annexant le site à sa demeure privée, limitant ainsi l’accès aux visiteurs. Dorénavant, pour  jouir du paysage pittoresque du site de Cotta, il est nécessaire d’avoir une autorisation déléguée par le Ministère de La Culture, sans quoi, l’accès est totalement interdit à toutes âmes investigatrices de savoirs qui s’y aventurent. Car si les Grottes d'Hercule sont classées monument historique depuis le 30 décembre 1950, il semble que Cotta ne suscite pas le même intérêt auprès des autorités en charge du patrimoine historique de la région.

 

 

 

Camille Alary
Editor Made in Tanger
14 novembre 2014