Un chirurgien de MSF poursuivi

Le médecin a été arrêté le 7 juillet dernier, après une longue filature de la sûreté marocaine. Ses deux passeports lui ont été confisqués avant de lui être restitués. Le juge l'a finalement autorisé à quitter le pays contre une forte caution et la mise sous séquestre de son riad au coeur de la vieille ville de Marrakech. Il reste placé sous contrôle judiciaire et devra répondre aux convocations de la justice marocaine, sinon ses biens seront confisqués et il fera l'objet d'un mandat d'arrêt international.

L'enquête sur ce médecin a débuté après plusieurs signalements de voisins de son riad, s'étonnant d'allées et venues d'adolescents. Une pétition a même été adressée au préfet de Marrakech, le 16 novembre 2006. En décembre 2007, une plainte est déposée. La sûreté marocaine enquête et constate que le médecin s'intéresse à des adolescents dans les environs de l'hôtel Tazi, au débouché de la grande rue Moulay-Rachid. La police interroge les enfants. Deux autres plaintes sont constituées. Deux témoins, Zouher RÉ et Refki BÉ, disent avoir reçu « des avances » de la part du médecin et racontent l'avoir vu avec d'autres petits. Début juillet, la police investit la demeure et découvre le praticien en compagnie d'un jeune homme, tout juste majeur, ce qui lui vaut d'être poursuivi pour homosexualité, ce qui constitue un délit au Maroc.

« Chasse aux sorcières » Au cours de ses auditions, le docteur MÉ reconnaît entretenir des relations sexuelles mais seulement avec des majeurs. Mais le jeune homme, retrouvé avec lui, assure avoir des relations intimes avec le médecin depuis longtemps, alors qu'il était mineur. Dans son procès-verbal, que nous nous sommes procuré, le docteur MÉ assure « avoir un parcours sans faute et sans casier judiciaire » et dénonce « la chasse aux sorcières » dont il ferait l'objet de la part de l'association locale Touche pas à mes enfants, estimant être « un bouc émissaire ». Cette association, dirigée par une ethnologue suisse, a entrepris de recenser ses victimes présumées. La police judiciaire marocaine travaille sur les dossiers d'une dizaine de jeunes victimes, souvent des enfants de la rue.

Médecin baroudeur, Pierre-André MÉ a parcouru le monde et effectué 14 missions pour MSF France ou la section suisse. Sa dernière mission au Tchad, en avril dernier, a tourné court au bout de trois jours. « L'organisation ne souhaite plus travailler avec lui. Il a eu un comportement malvenu mais cela n'a rien à voir avec les accusations portées contre lui », indique la direction de MSF France. Même son de cloche chez MSF Suisse : « On ne le fera plus partir », prévient son porte-parole Thomas Kurmann. L'avocat de Pierre-André MÉ, Me Robert Assaël, le décrit, lui, comme « un esthète cultivé victime d'un terrorisme intellectuel » et de « témoins commandités ». Joint au téléphone la semaine dernière, le docteur MÉ nous déclarait : « Ces accusations sont infondées, il s'agit d'un complot organisé contre ma personne, cette procédure n'existe pas. »