Mohammed Rmichi, Une star en devenir

Interviews
Dev Web
Editor Made in Marrakech
30 mars 2010

L'étoile montante du théâtre marocain, le talentueux comédien Mohammed Rmichi, s'est livré en toute sincérité à M!M lors d'une interview qui lève le voile sur son parcours, ses rêves et ses projets.

- Prénom, âge, profession ?

Mohammed, 28 ans, comédien

- Racontez nous votre parcours

Ma famille est plutôt traditionnelle. Elle ne s'est pas montrée très encourangeante au départ face à mes ambitions et à mon désir d'être acteur. Ma mère aurait aimé pour moi un métier plus sécurisant, moins instable.... D'autant qu'elle avait une idée très précise des revenus plus qu'aléatoires de cette profession, puisque mon oncle, son propre frère, était comédien. Pour ma part, cet oncle me fascinait littéralement. Je le suivais partout au théâtre, à la télévision, lors des représentations, dans les coulisses, dès que je pouvais, que j'en avais l'occasion... Et à sa manière, il a nourri ma passion pour le travail de comédien. Pourtant, après le bac, j'ai essayé de faire plaisir à ma mère en entamant des études de droit. Mais j'ai très vite arrêté pour revenir à mon premier amour, le théâtre. J'ai décidé alors dans le plus grand secret de passer le concours de l'ISADAC. J'ai réussi à intégrer en me classant 5ème parmi 800 candidats. Après, c'était parti...

- Comment vous est venue l'envie d'être acteur ?

La scène m'a attiré très tôt ; et enfant déjà, la majorité de mes activités extra-scolaires tournaient autour du théâtre. Associations, maison des jeunes, spectacles de fin d'année ou manifestations organisées par la municipalité de ma ville (pour la fête du trône, celle de la jeunesse)... Toutes les occasions étaient bonnes à saisir pour jouer, monter sur scène...Faire l'acteur pour pouvoir l'être un jour....Endosser des rôles différents, se laisser habiter, hanter presque, par d'autres vies, d'autres gens... C'était mon désir le plus fort, et c'est mon bonheur aujourd'hui.

- Quels sont vos liens avec Marrakech ?

Marrakech est la ville de la comédie par excellence. L'âme de la farce, l'esprit du jeu théâtral se ressentent partout ici... J'y viens souvent, pour m'imprégner de cette atmosphère joyeuse et colorée, décompresser... Pendant quelques jours, je vis au rythme des Marrakchis, un rythme lent le jour, exhubérant et intense le soir, fou la nuit...Un rythme qui me va très bien !! Je suis un enfant de la nuit, je suis né la nuit, et c'est la nuit que je me sens le mieux. J'y ai aussi tissé des liens très forts d'un point de vue professionnel, lors de mes différentes participations au Festival de Théâtre Professionnel.

-Aujourd'hui comédien, comment qualifiez-vous votre jeu ?

Je n'aime pas les étiquettes, les appartenances à un courant, une école, une technique de jeu... Mon jeu d'acteur est très différent d'un rôle à l'autre, il s'adapte surtout au personnage que j'interprète, sa psychologie...et les personnages que j'ai joué jusqu'à présent sont complètements différents les uns des autres. Le seul point commun, c'est l'approche professionnelle que je m'efforce de toujours avoir. Quelle que soit la taille de la production, la préparation de mon rôle est toujours très minutieuse, appliquée.

-Quels sont les rôles dont vous êtes le plus fier ?

Tous...(sourire) Peut être plus particulièrement celui de Fahome, personnage que je joue dans la pièce "L'efhamator", une adaptation de "Scène à Quatre" de Ionesco par le metteur en scène Adil Abatorab. Ce spectacle a remporté le Grand Prix lors de la 14ème édition du Festival National de Théâtre à Meknès. Un succès qui nous emmené jusqu'en Egypte au Festival International « Théâtre expérimental » où nous avons porté fièrment l'étendard du nouveau théâtre marocain.

- Quels artistes vous ont marqués ou vous fascinent ?

Sans conteste, Mohammed Majd fait partie de ceux qui m'ont le plus marqués. Sinon, à l'international, je dirais : Robert de Niro, Al Pacino, Johnny Depp pour ne citer qu'eux... Et bien sûr le réalisateur Ridley Scott !

- Certains thèmes sont récurrents dans les pièces où vous jouez. Est-ce un hasard ?

Absolument pas. Je me sens très concerné par tout ce que que vit la société marocaine actuellement. L'hypocrisie, le manque de communication dans les rapports entre les gens, l'absence de franchise ou encore le syndrôme du fhamator, celui qui sait toujours tout sur tout et mieux que les autres, sont des sujets qui me tiennent à coeur. Ils reflètent des réalités profondément ancrées dans les moeurs marocaines ; et il me tarde de les voir évoluer car elles gangrènent notre société.

- La situation des artistes en général et des comédiens en particulier a-t-elle évolué au Maroc ces dernières années ?

Il y a effectivement comme un vent nouveau qui souffle sur l'art : nouveaux visages, nouvelles productions, un public plus réceptif.... Cependant, la situation des artistes ne s'en trouve pas améliorée. Le secteur manque de structure, d'organisation ; la réglementation reste floue, les contrats manquent de rigeur. Les artistes, même célèbres, sont rarement reconnus à leur juste valeur. Ils sont sous-payés pour la plupart. Les comédiens, par exemple, sont bien souvent obligés de travailler à côté pour subvenir à leurs besoins, ou contraints d'accepter des rôles qui ne leur conviennent pas. Comment un créatif, quel qu'il soit, peut-il donner le meilleur de lui-même lorsqu'il ne dispose pas d'un revenu décent ?? Le Maroc est très en retard à ce sujet, alors même que dans sa course vers le développement, l'art et la culture devraient occuper une place prépondérante. Les autorités en charge de ce dossier ne doivent pas se contenter d'organiser des festivals les uns plus grandioses que les autres. Des mesures importantes doivent être prises pour que la situation des artistes marocains devienne moins précaire, que leur statut soit valorisé, et surtout pour encourager les vocations naissantes.

Bertolt Brecht "Le pain d'abord, l'art ensuite"

- Qu'aimez-vous le plus à Marrakech ?

L'énergie de ses habitants, enjoués et blagueurs, toujours partants pour s'amuser. Et bien sûr, les nuits marrakchies...

- Qu'aimez-vous le moins à Marrakech ?

Marrakech perd de plus en plus de sa spiritualité au profit d'un aspect plus matérialiste, presque clinquant. Ce qui faisait la singularité de cette ville avant est mis de côté. A présent, ici comme ailleurs, seules les apparences et l'argent comptent.

- Quelle est votre actualité ?

La pièce "La chance de Mimoun", où je tiens le rôle de Mimoun... Nous l'avons jouée récemment au salon du livre de Casablanca ainsi qu'au Théâtre Mohamed V de Rabat. D'autres dates sont prévues dans d'autres villes. Par ailleurs, je tourne en ce moment dans une série télévisée qui allie sociologie et humour. La diffusion est prévue pour le mois de ramadan.

- Et le cinéma ?

Les choses en sont encore au stade de désirs, de rêves, d'envies... Comme celle de tourner un jour un film sous la direction de Pedro Almodovar, Emir Kusturika ou Faouzi Bensaidi. Qui sait ?? Les rêves sont destinés parfois à devenir des réalités !!

Dev Web
Editor Made in Marrakech
30 mars 2010