Marrakech, victime de son succès

Société
Dev Web
Editor Made in Marrakech
23 novembre 2008

Marrakech se porte mal. Après un envol qui a duré quelques années, la ville ocre vit des moments difficiles. Le tourisme flanche, la stratégie de diversification traîne au fond des tiroirs, la vie y devient chère et le prix de l’immobilier atteint des sommets inédits.<BR>

Bâtie sur un mythe, la star du sud est aujourd'hui rattrapée par la réalité.

Première destination touristique au Maroc, la ville de Marrakech est très en vogue. Sa notoriété est incontestable. Avec ses remparts rouges, riche de sa culture ancestrale, on ne peut qu'affirmer qu'elle dispose d'atouts qui ont su attirer plus de deux millions de touristes en 2007.

Marrakech, terre d'enchantement, mais pas seulement pour les touristes. Parfaite aubaine pour les investisseurs avides d'opportunités, la ville ocre a connu une impressionnante montée en chiffres. Des investissements colossaux pour des projets concernant, dans leur majorité, le tourisme et l'immobilier. À titre d'indication, à fin 2007, le cumul des programmes d'investissement atteignait 161 milliards de dirhams (100Dirhams = +/- 9,00Euros au 23 novembre 2008).

Marrakech a pu ainsi, en moins de six ans, construire plus de 20.000 lits alors que 30.000 sont en cours de construction. Une star est née. En 2002, elle a même bénéficié d'un don royal de 200 millions de dirhams en vue d'une mise à niveau plus que nécessaire. Le succès de la ville n'a pas été le fruit du hasard. La volonté de la plus haute autorité du pays a voulu faire de cette ville un produit touristique de premier choix. Un professionnel nous explique que cette volonté a été accompagnée d'une conjoncture tant nationale que mondiale très propice. « En plus de la dynamique qui a été créée dans le secteur par la vision 2010, Marrakech a profité ces dernières années d'une conjoncture très favorable, dans la mesure où ses principales concurrentes se trouvaient dans une situation difficile », explique-t-il. Il est à rappeler qu'à l'époque, l'Égypte avait été foudroyée par des actions terroristes qui ont assené un coup dur à cette destination qui reçoit actuellement 11 millions de touristes par an. La Turquie, quant à elle, avait enregistré une chute du nombre de touristes due à la grippe aviaire, dont le virus a causé le décès de quatre personnes, sans oublier les menaces d'attentats de séparatistes kurdes contre les sites touristiques. Cette « aubaine », accompagnée par une activité socioculturelle qui a fait de Marrakech la capitale africaine de la jet-set, a eu pour conséquence une forte demande sur la ville ocre, traduite par une croissance à deux chiffres des indicateurs touristiques.

Mais l'état de grâce est bel et bien terminé pour la ville qui entre désormais de plain-pied dans une âpre concurrence mondiale. Ses faiblesses ont rapidement été mises à nu.

Il est vrai que le mythe de la ville ocre a été créé, mais malheureusement, il n'a pas été accompagné des mesures nécessaires ou plutôt par les indispensables garde-fous susceptibles de le préserver. À commencer par l'immobilier dont les prix ont atteint des niveaux à faire pâlir d'envie les grandes destinations internationales. Aujourd'hui, à Marrakech, des résidences à deux millions d'euros sont devenues monnaie courante, à l'instar de ce qui se pratique à Marbella, Cannes ou Miami. Mais quid des infrastructures de base, du transport urbain, de l'assainissement ?

Cette flambée des prix n'a pas gagné que le secteur de l'immobilier, elle a touché tous les domaines. Selon le Haut Commissariat au Plan, l'indice du coût de la vie le montre bien. Et même au-delà de cet indice, Marrakech a développé une réputation de ville chère, un écho qui s'est propagé au-delà de nos frontières.

Comble de malchance, les indicateurs touristiques émanant du ministère soulignent une baisse considérable du nombre de nuitées, créant ainsi une polémique sur une situation de crise que les officiels refusent encore de regarder en face. Cette baisse dont souffre la ville débouche sur une autre préoccupation qui n'est autre que la dépendance de Marrakech du tourisme.

Le plan stratégique de diversification comprenant agriculture, industrie et offshoring est dans la bouche de tous les officiels, mais il tarde encore à voir le jour (É).

L'agriculture, dont le potentiel est énorme, est délaissée depuis des années. Alors qu'auprès de la Wilaya, on n'attendait que le Plan Vert, comme si ce dernier était planifié depuis des années !

L'industrie, quant à elle, faiblement présente dans la région, tente tant bien que mal de survivre et de garder le cap avec une filière agroalimentaire dominante.

Comme ses consÏurs Casablanca et Rabat, Marrakech mise sur l'offshoring pour créer la diversification tant convoitée. Réduire la dépendance de la ville par rapport au tourisme est le nouvel objectif que Marrakech s'efforce d'atteindre, mais qu'elle peine à concrétiser.

Devant une telle conjoncture, la ville doit tirer la sonnette d'alarme afin qu'officiels et professionnels ouvrent les yeux et comprennent que le mythe n'est pas fait pour durer. La situation du tourisme en est une preuve flagrante.

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Editor Made in Marrakech
23 novembre 2008