Mahi Binebine lauréat du prix de la Mamounia

M!M : Vous venez de remporter le premier prix littéraire de la Mamounia. Que ressentez-vous ? Mahi Binebine : Je suis extrêmement heureux. J'ai eu la chance d'être honoré dans différentes catégories, que se soit la peinture aux Etats-Unis ou même récemment la littérature en France à l'Institut du monde arabe. Mais ce fut toujours à l'étranger. Aujourd'hui, cette reconnaissance se passe chez moi, où je suis né, à Marrakech. J'en suis honoré et ravi. Doublement ravi même, car il s'agit d'un véritable prix attribué par des gens de la profession, éditeurs, hommes et femmes de lettres.

M!M : Votre cursus vous prédestinait à tout autre chose, comment êtes-vous devenu artiste ? Mahi Binebine : C'est vrai que mon cursus scolaire et mon premier métier - enseignant en mathématiques en France - ne laissaient pas présager que je puisse m'épanouir dans l'art. Mais je vais vous faire une confidence. Très jeune, déjà, je rêvais d'incarner le Julio Iglesias marocain. J'ai vite compris que je ne serai pas un chanteur de charme.

Ceci dit, la bosse des maths me sert dans la conception de mes peintures. Tout peintre vous dira qu'il existe une loi d'équilibre dans un tableau, il y a cette logique. Et les maths, c'est quoi ? C'est partir d'un point A vers un point B en évoluant dans un espace sans déborder.L'écriture également. Le point A, c'est le démarrage et le point B notre fin. Puis nous évoluons dans un espace que nous devons respecter.

M!M : La noirceur et la violence de vos Ïuvres littéraires et peintures n'est pas le reflet de votre personnalité, comment s'explique cette opposition ? Mahi Binebine : Si, je suis gai et que je peux rire, cela s'explique justement par le fait que je me suis libéré de tous ces maux dans mes Ïuvres. C'est un véritable exutoire.

M!M : Quels ont été vos influences ? Mahi Binebine : Tous les grands maîtres. J'adore Goya, mais également Jean Michel Basquiat - je vais d'ailleurs m'empresser d'aller voir l'exposition qui lui est actuellement consacrée au musée d'art moderne de Paris.

M!M : Vous êtes né à Marrakech, puis avez vécu dans d'autres pays, avant de revenir ici. Pourquoi ? Mahi Binebine : Effectivement, je suis natif de Marrakech et j'ai quitté ma ville en 1979 pour faire des études de mathématiques en France, à Paris et pour les y enseigner durant 8 ans. Au travers de différentes rencontres avec des peintres, des écrivains... je me suis de plus en plus intéressé à l'art. J'ai ensuite quitté Paris pour New York, de 1994 à 1999. C'est là que j'ai réellement commencé à faire parler de moi et de ma carrière plastique. Je suis ensuite retourné à Paris, pour y continuer mon art. En 2002, suite à l'élection présidentielle et au bon résultat du Front national qui était présent au second tour, j'ai décidé, dans l'intérêt de mes trois enfants et de ma famille, de quitter ce pays, qui visiblement n'adhérait pas à ma présence. Donc, retour sur Marrakech, sur un coup de tête et agréablement surpris. Et je me demande encore aujourd'hui, comment j'ai pu m'absenter aussi longtemps de ma ville - près de 23 ans.

M!M : Justement... Quels sont vos plaisirs retrouvés à Marrakech, vos lieux privilégiés ? Mahi Binebine : Tout m'émerveille à Marrakech. Il n'y a pas besoin de chercher bien loin, tout est sujet au bien-être. Une particularité peut-être : j'affectionne les ambiances feutrées, fumées des cabarets.

M!M : Pour finir, quelles sont vos projets ? Mahi Binebine : J'ai plusieurs expositions à venir. Casablanca le 7 décembre, le Caire le 12 Décembre et Berlin le 3 janvier. Pour chacune d'elles, 30 à 50 tableaux seront présentés. Et je termine, en parallèle, mon nouveau roman.