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Madame Mansouri, maire de Marrakech : "Je suis d’abord une citoyenne"

Interview
Julien Antinoff
Editor Made in Marrakech
19 juin 2013

Dans cet entretien exclusif, Madame le maire de Marrakech évoque plusieurs thèmes dont la collecte des déchets, la publicité sauvage, mais également les projets en cours. Disponible, elle revient également sur la cause des femmes.

Made in Marrakech : Vous êtes intervenue dans le groupe Facebook Save Marrakech*, que pensez-vous de ce type d’action?
Madame Mansouri : Ce que je pense de ce groupe, c’est ce que je pense de toute initiative locale, qui se met en place dans l’intérêt général. Cela ne peut être que positif, dès lors qu’elle est dans le respect réciproque des intervenants et qu’elle œuvre à trouver des solutions ou à mettre en exergue les problèmes rencontrés. Quand vous êtes à la tête d’une ville, et gestionnaire, vous ne vous rendez peut-être pas toujours compte de ce que peuvent subir les citoyens au quotidien. Il est toujours bon d’avoir quelqu’un qui vous donne une autre lecture des problèmes de la ville.

MIM : Quelles sont vos solutions pour les problèmes soulevés par le groupe, comme celui des déchets et de la publicité sauvage ?
Madame Mansouri : Tout d’abord, mon intervention directe dans ce groupe était pour moi l’occasion de rappeler le rôle de chacune des institutions, parce que souvent, ce que les citoyens ignorent, et je le comprends, c’est qu’il y a différents intervenants sur la ville de Marrakech, et chacune des institutions a des prérogatives spécifiques. Tout n’est pas du ressort de la mairie, donc cela permet de reposer un cadre légal dans lequel nous œuvrons et d’expliquer l’action de la mairie.
Concernant le nettoiement et les problèmes que rencontre, depuis quelque temps, Marrakech, relative à la collecte d’ordures. Malheureusement nous subissons la défaillance des prestataires et d’un cahier des charges, mis en place par le ministère de l’Intérieur, qui prévoit des procédures difficiles à appliquer pour la résiliation. Toute résiliation unilatérale engagerait la responsabilité de la mairie, et donc aurait un impact financier très lourd sur le budget. Il faudrait que le ministère de l’Intérieur déclare l’insalubrité publique à Marrakech pour résilier ce contrat. Sans cela, je n’ai pas d’autre moyen légal pour le résilier. Nous devons donc attendre la fin du contrat, prévue pour mars 2014, pour pouvoir attribuer de nouveau, ce marché à une entreprise qui, je l’espère, sera à la hauteur des attentes des marrakchis.
En ce qui concerne la publicité sauvage, ce sont des gens qui, soit par ignorance de la loi, soit par mauvaise foi, profitent de l’espace public pour se faire connaître. Ce qui porte effectivement atteinte au paysage urbain. Dès que nous le constatons, nous déclenchons la procédure de taxation d’office, qui les oblige à payer trois fois la taxe due. Ensuite, nous saisissons l’autorité administrative, à savoir les services de la wilaya, pour le retrait de l’affichage. Nous n’avons pas de police municipale pour pouvoir retirer nous-mêmes du domaine public, tout ce qui n’est pas autorisé.

MIM : Quels sont les projets en cours concernant Marrakech ?
Madame Mansouri : La ville a mis en place une stratégie qui est un plan communal de développement, qui œuvre autour de deux grands axes, tout ce qui est de proximité et tout ce qui est structurant. Pour le premier axe, c’est la mise à niveau des quartiers, notamment ceux défavorisés, en terme d’équipements et d’infrastructures de base, comme ceux destinés à la jeunesse, et les équipements culturels. Quant au projet structurant principal, il concerne le déplacement urbain, avec les bus à haut niveau de service. On espère, à l’horizon 2020, passer d’un taux de fréquentation des transports en commun de 4 % à 9 %, ce qui allégerait la circulation. En même temps, nous travaillons sur l’exigence des parkings, notamment dans les quartiers commerciaux.
Concernant l’environnement, on travaille sur l’aménagement de Ghaba Chababe, cette grande oliveraie au cœur de la ville, laissée à l’abandon. Inauguré dernièrement, le complexe sportif Moulay El Hassan devrait ouvrir ses portes dès lundi 17 juin.
Nous travaillons également sur la réhabilitation de la médina, avec un premier programme sur les habitations menaçant ruine, pour sauvegarder ce patrimoine existant. Un deuxième programme concerne l’aménagement de placettes, pour créer des espaces aérés au sein de la vieille ville. Il y a aussi la restauration des remparts, car 11 kilomètres sur 19 menaçaient ruine. La première phase est presque terminée. Les remparts sont le seul monument historique que la ville gère directement, tout le reste dépend du ministère de la Culture. Dans la deuxième phase, est prévu l’aménagement des abords. L’aménagement paysager, le mobilier urbain et bien sûr l’éclairage au sol, qui malheureusement souffre du vandalisme. Un travail colossal est mis en place concernant les équipements importants, comme la mise à niveau de la bibliothèque municipale, qui était dévastée. Les travaux sont lancés pour en faire une grande bibliothèque pour la région. Nous mettons également en place un conservatoire, des équipements culturels de proximité, accessibles à la fois aux citoyens et aux visiteurs de la ville. La dynamique est enclenchée.

Son côté citoyen ...
Je suis la première à souffrir de ces points noirs. Comme je le dis sur le groupe Save Marrakech, avant d’être une politique, je suis d’abord une citoyenne, choquée par le problème de collecte des déchets. Je traverse la ville, j’y vis et je subis, et croyez moi, s’il y a bien une chose que je ne voudrais pas voir à Marrakech, ce sont ces bennes à ordures dans l’état où on les voit aujourd’hui. Nous travaillons sur la remise à niveau d’une administration archaïque, dont on a reconsidéré l’organigramme, on a créé une dynamique nouvelle, on essaye d’être dans la proximité des citoyens. Nous sommes la seule ville du Maroc à avoir signé une charte morale de lutte contre la corruption, dont est victime le citoyen.

MIM : Est-ce que le fait d’être une femme maire est un atout ou un frein ?
Madame Mansouri : Ni un atout, ni un frein, dans la mesure où être une femme, c’est toujours un succès pour le Maroc, surtout aujourd’hui où elles se font rares au gouvernement. Il est utile de rappeler que la femme a des droits et qu’elle peut les exercer librement. Oui pour diriger, j’ai une sensibilité particulière. Mon expérience peut être un modèle pour beaucoup d’autres, donc je suis très soucieuse de la rigueur avec laquelle je travaille. Je porte involontairement à travers moi la cause des femmes, et forcément, sur certaines décisions, comme pour les crèches de proximité, j’y suis sensible, avec la volonté d’accompagner les femmes dans leur liberté de travailler.

* Les membres de ce groupe parlent de ce qui les choquent dans la ville, comme le problème des déchets, de la publicité sauvage et de l’insécurité.

Propos recueillis par Julien Antinoff

Photo William Stevens

Julien Antinoff
Editor Made in Marrakech
19 juin 2013