Livre : «Le plumier» de Henri Michel Boccara.

Culture
Dev Web
Editor Made in Marrakech
8 février 2005

«Le plumier» est le tout dernier né d'Henri Michel Boccara, un médecin français installé à Marrakech depuis plus de quarante ans. Ce roman de Boccara, qui exerce en milieu populaire à quelques mètres seulement de la place Djemaa El Fna, à Marrakech, est en fait un récit de la vie mouvementée d'un certain Idder, un jeune garçon livré à lui même, un personnage tout à fait saisissant, un déshérité qui vit au jour le jour, tout en rêvant de lendemains meilleurs.

Par ce roman, c’est aussi toute la société marocaine qui est passée au crible par ce médecin habitué à l’observation et aux diagnostiques. Henri Michel Boccara a pour ainsi dire pris le pouls de chaque coin et recoin de plusieurs grandes villes du Maroc. Car « Le plumier », ce récit d’une simplicité extraordinaire, est un roman sur l’errance. Celle d’Idder, ce jeune garçon précocement livré à lui-même. Encore enfant, Idder a en effet quitté sa bourgade, près d’Azilal, pour Marrakech. Ce premier voyage, il l’a accompli dès qu’il fut en âge d’aller à l’école.

Enfant errant, Idder atterrit alors à Marrakech, chez son oncle, pour pouvoir accéder au « savoir ». C’est d’ailleurs là, à Marrakech, où il fait ses premières armes d’enfant débrouillard. Mais lorsque l’on veut, comme Idder, devenir un homme « grand, honnête et droit », l’école ne suffit pas. Du moins, c’est ce qu’il croit.

Contraint de quitter le nid douillet où son oncle l’avait pourtant accueilli, il se retrouve à la rue. Commence alors pour lui l’errance. Elle le mènera jusqu’à Tanger, en passant par quelques douars et par Casablanca, où il a dû cravacher dur sur les docks de son port.

Mais c’est à « Tanger, le détroit de l’Europe ... c’est seulement de l’autre côté qu’un Idder d’Azilal pourra devenir un homme », pense-t-il. De petits boulots en arnaques, l’enfant devenu grand se débrouille pour survivre. Il n’a pour boussole que son innocence, son humour et sa foi. Des biens précieux qui ne suffiront pourtant pas à conjurer le mauvais sort qui guette chacun de ses pas. Après Casablanca, c’est le voyage vers le Nord pour franchir le Détroit. Et là, c’est une fin tragique qui l’attend parmi les passeurs mafieux de la ville de Tanger.

C’est l’histoire de son ultime voyage, sur une barque, avec son compagnon Diallo, impénitent migrant clandestin de Dakar qui persiste à vouloir rejoindre l’autre rive. Mais au terme de ce long et périlleux périple, ce n’est pas l’eldorado européen que ces deux compagnons atteignent, c’est en fait l’au-delà. A sa mort, Idder n’est âgé que de 19 ans.

L’histoire, simple, émouvante, et finalement tragique, nous entraîne dans les bas-fonds du Maroc. Le roman respire en fait le pays. Henri Michel Boccara a ainsi su brosser, et avec quel talent, le tableau de ce Maroc que nous vivons, celui de tant de jeunes errants, dont l’histoire est contée tantôt d’une manière drôle, tantôt d’une façon dramatique. « Le plumier » relate en effet, tout au long de l’errance d’Idder et avec autant de finesse, bien d’autres histoires aussi diverses que pittoresques. Dans ce roman, c’est Idder qui parle. Il raconte son monde avec autant de naturel que d’humour.

« Le plumier » est une suite d’événements, d’histoires, de vies et de survies qui prend fin par un coup de théâtre : le décès d’Idder, ce personnage saisissant et captivant, ce jeune homme de ce Maroc d’en bas qui aspire à un avenir meilleur, promis là-bas, en Europe.

Une fin somme toute prévisible et qui rappelle, affreusement, la fin tout aussi tragique de milliers de jeunes Marocains, pareillement hantés par le rêve de l’eldorado, même si ce rêve passe par le cauchemar de la clandestinité. « Le plumier » est une histoire d’une simplicité extraordinaire. Un récit bouleversant qu’on lit d’une seule traite.

« Le Plumier », roman de Henri Michel Boccara, éditions Tarik, Casablanca, 2004. 150 pages. Prix : 50 DH.

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8 février 2005