Les combattants de Marrakech pour la liberté de la femme

actu
Editor Made in Marrakech
8 mars 2013

À l’occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars, Made in Marrakech a rencontré Zakia Chramo, coordinatrice du centre d’écoute de l’association Ennakhil. Une citoyenne déterminée à faire avancer la cause de toutes les femmes marocaines.

C’est dans le quartier Charaf, situé derrière le centre commercial Marjane, sur la route de Casablanca, que les bureaux tout neufs de l’association sont installés. Tous les jours, une quinzaine de femmes viennent y trouver une écoute essentielle à leur détresse. “Elles ne sont pas toutes confrontés à un problème. Certaines viennent chez nous pour avoir des conseils et savoir, par exemple, comment constituer leur dossier de divorce, en cas de besoin. Mais 80 % des femmes que nous accueillons sont là dans le cadre de la violence conjugale, à la fois physique, morale et économique. “

L’urgence pour les membres de l’association est de faire évoluer les mentalités. Selon Zakia, “on a les acquis, on a des lois aujourd’hui qui nous protègent, mais il y a un véritable problème au niveau de l’application de ces lois. Nos associations pour les femmes rencontrent aussi des difficultés face aux dirigeants de notre pays. La mentalité conservatrice des marocains fait résistance aux droits individuels des femmes. Et c’est pas la télévision qui va arranger la situation. Encore hier soir, une chaîne nationale a programmé une émission de débat dans le cadre du 8 mars. Tous les intervenants étaient clairement anti-féministes. Le message passé était que la femme n’avait pas besoin de travailler, et qu’elle devait plutôt rester sagement à la maison. Voilà ce qu’on programme chez nous pour la journée internationale des femmes ! ”

L’ampleur de la tâche ...
L’association Ennakhil traite toutes les sortes de violence, qu’elles soient faites aux marocaines ou aux étrangères, aux rurales ou citadines, aux mariées, veuves, divorcées ou aux mères célibataires. Ses membres sont sur tous les fronts : dans les locaux de l’association pour l’accueil et l’écoute, au tribunal, à la police, à l'hôpital. Leur rôle est également la prévention et l’information par des interventions directes dans les villages, et la médiation entre les époux, et entre la victime et sa famille. “Marrakech ne possède aucune structure d’hébergement d’urgence. Nous devons donc négocier avec la famille pour qu’elle s’occupe de leur fille, de leur soeur, de leur mère dans le besoin. Pour les cas extrêmes, nous sommes obligés de les diriger vers les centres d’accueil de Casablanca.”

Passé, présent, futur
A la question, existe-t-il des différences entre les problèmes des femmes d’aujourd’hui et celles d’hier ? Zakia répond : “aucune ! La seule chose qui change, c’est que les femmes aujourd’hui ont le courage de venir chez nous, d’aller porter plainte, et aussi de parler de la violence sexuelle. Ce qui était impossible avant.” Et quand on lui parle d’avenir, elle n’est pas vraiment optimiste. “Dans les mouvements féministes, on voit toujours les mêmes têtes, toujours les mêmes femmes engagées. Où est la relève ? Le combat pour nos droits ne semble pas intéresser les plus jeunes. Et c’est un grand problème.”

Un sujet très vaste à traiter, des centaines de violence faites aux femmes tous les jours, un désintérêt pour la cause, une pression sociale rigide, des lois non appliquées, des femmes elles-mêmes complices de leur non-droit, des avancées, des reculs… C’est avec tout ça que les femmes d’aujourd’hui doivent vivre et s’en sortir.

Pour Zakia Chramo et tous les engagés pour le droit des femmes marocaines, les valeurs portées par la journée du 8 mars durent toute l’année.

Association Ennakhil
Téléphone : 05 24 30 67 09
Lotissement Charaf, Opération El Manar 3, Marrakech

Texte et entretien Stéphanie Jacob
Photos DR 

Editor Made in Marrakech
8 mars 2013