Le patrimoine Jemaâ el Fna cherche protecteur

La polémique opposant les conteurs de la place de Jemaâ el Fna à la mairie de Marrakech défraye la chronique. Les orateurs de cet espace mythique ont manifesté leur colère en observant une grève en début de semaine. Leur revendication ? Ils réclament de supposées « subventions » de l'UNESCO qui devaient leur être versées pour améliorer leur situation matérielle et sociale.

Contacté par la rédaction, le bureau de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture à Rabat livre son avis. « L'UNESCO n'a conclu aucun accord avec la municipalité de Marrakech et ne lui a versé aucun dollar en faveur des conteurs », a tenu à préciser Mohamed Ouled Khattar, responsable du secteur culturel au bureau de l'UNESCO à Rabat. Et de poursuivre : « Suite à la proclamation de la place de Jemaâ el Fna patrimoine oral et immatériel de l'humanité par l'UNESCO, nous avons mis en place un projet de revalorisation de ce haut lieu culturel ».

Lancé en 2004, ce programme a pour but la préservation et la sauvegarde de de patrimoine universel.

A en croire Mohamed Ouled Khattar, l'organisation onusienne accordait des subventions financières aux orateurs pour leur contribution aux actions de sensibilisation des jeunes étudiants de la ville de Marrakech à l'importance de la protection de ce trésor humanitaire. Des rencontres ont été organisées dans les établissements scolaires en collaboration avec l'Académie de l'éducation nationale de Marrakech. Cette année, ce programme arrive à son terme. Quel sera alors le sort de ces narrateurs de Jemaâ el Fna ? Et surtout que fait la municipalité de Marrakech pour la pérennisation de ce patrimoine ?

Omar Jazouli, maire de Marrakech, affirme que le conseil municipal est conscient de l'importance de la pérennisation du patrimoine oral de Jemaâ el Fna. C'est pourquoi, précise-t-il, le Conseil a mis en place un fonds de 400.000Dhs pour venir en aide aux conteurs. Le maire de la ville ocre précise bien qu'il s'agit de récompenses et non de salaire mensuel. Pour bénéficier de cette aide, le conteur doit remplir deux conditions sinequanone. « Il faudrait qu'il se produise chaque jour à la place de Jemaâ el Fna et qu'il transmette aux jeunes les contes et les histoires traditionnelles ancestrales, histoire d'assurer la relève. Les conteurs de Jemaâ el Fna sont en voie d'extinction. Aujourd'hui, on compte seulement neuf personnes », poursuit-il. Où réside alors le problème ?

« Les conteurs veulent que nous accordions des aides matérielles également aux animateurs de la place à savoir les charmeurs de serpents, les dresseurs de singes et les musiciens entre autres. Ce n'est pas possible. Il s'agit de centaines de personnes ! », réplique-t-il. Pour Omar Jazouli, la municipalité de Marrakech n'est pas concernée. Il rejette la responsabilité sur le ministère de Touriya Jabrane. « C'est au ministère de la Culture de s'en occuper, puisque la place Jemaâ el Fna est proclamée patrimoine culturel universel. Le conseil municipal a voulu uniquement par cette action préserver cette culture ancestrale et traditionnelle marocaine », souligne-t-il.

De son côté, le directeur du patrimoine au ministère de la Culture, Abdallah Saleh, rétorque que la préservation de la place Jemaâ el Fna incombe à toutes les forces vives du pays, élus, ministères ou sociétés civiles. « C'est un espace historique qui requiert l'engagement de tout le monde », a-t-il tenu à préciser avant de renvoyer la balle aux autorités de la ville : « La municipalité de Marrakech est la première concernée à parler des problèmes sociaux de la place ».

Par ailleurs, Abdallah Saleh annonce la mise en place d'un projet baptisé « Trésor humain vivant ». « Il s'agit d'un projet de préservation du patrimoine culturel. Il cible toutes les composantes de la société qui ont un savoir-faire que ce soit les conteurs, les potiers ou encore les tisseuses. Une commission interministérielle sera mise en place pour établir les critères de sélection. Les bénéficiaires recevront des bourses et des primes », confie-t-il. Le projet est tributaire de la mise en place d'un cadre juridique, qui reste encore à définir.

Les composantes du projet UNESCO : Le projet de revalorisation de la place Jemaâ el Fna, soutenu par l'UNESCO, a bénéficié de l'appui financier du gouvernement du Japon. Une enveloppe financière de près de 150.000 dollars lui a été attribuée. Ce projet comprend différentes composantes. Outre le volet sensibilisation des jeunes étudiants des établissements scolaires de la ville, le programme inclut des concours destinés aux conteurs. Selon Mohamed Ould Khattar, responsable du secteur culturel au bureau de l'organisation onusienne à Rabat, des prix ont été attribués à ces derniers. Le projet prévoit la mise en ligne d'un site Internet d'ici fin 2008. Le contenu du site reflétera le travail accompli durant ces quatre années. Mohamed Ould Khattar annonce également l'organisation prochainement d'une exposition de photos sur la place historique de la cité ocre.