Le luxe dans tous ses états

Luxe
Zara Kadiri
Editor Made in Marrakech
9 novembre 2011

Du luxe ostentatoire et bling bling des années 2000, nous sommes passés à un luxe discret, feutré qui joue la sophistication sobre. Un luxe qui murmure, qui chuchote, plus qu’il ne s’exhibe. Fini les excès baroques et le show off.

Les excès et les grands rassemblements de jet setteurs et clubbeurs à Ibiza et Mykonos sont remplacés par des destinations rares et des séjours dans des établissements confidentiels (Sultanat d’Oman, Zanzibar, Venise pendant la biennale d’art contemporain, lodge au Kenya, et en Méditerranée la Sardaigne plutôt que les Cyclades, en Amérique Latine, l’Uruguay et la Patagonie plutôt que Cabo ou Cancun).

Bonne nouvelle

Cette nouvelle cartographie du luxe planétaire fait la part belle à Marrakech, ses riads, ses palais d’hôtes, ses spas, son artisanat et ses galeries… L’art de vivre marocain élégant, nonchalant et sophistiqué. Il plaît même de plus en plus. Dans la ville ocre, un nouvel esprit du luxe se dessine, un luxe racé, subtil en demi-teintes, un luxe arty-chic comme en témoigne le succès de Marrakech Art Fair et son sillage de cocktails et soirées privées. Créateurs, designers, architectes et artistes d’ici et d’ailleurs écrivent à Marrakech l’histoire d’un luxe tellement dans l’air du temps et bien loin des clichés d’un orient fantasmé. Le luxe à Marrakech, on le trouve hors des sentiers battus, dans des demeures jalousement gardées secrètes et qui n’ouvrent leurs portes qu’aux initiés.

On le croise au détour d’une ruelle de la médina derrière une porte qui s’entrouvre sur un riad féerique, on le découvre dans l’arrière boutique d’un créateur, dans les coins et recoins de l’échoppe d’un antiquaire ou sur les cimaises d’une galerie. Il se respire à la Mamounia dans un flacon vintage de Serge Lutens, se révèle dans la coupe d’un caftan ou dans le design d’un bijou ancien. Ce luxe-là se savoure dans un plat imaginé par un grand chef amoureux du terroir marocain, on le trouve dans un jardin secret ou derrière un moucharabieh ouvragé comme de la dentelle. De la douceur dans un monde brutal, de l’originalité dans un monde uniforme, de la simplicité dans un monde toujours plus complexe…C’est peut-être ça le luxe d’aujourd’hui…Less is more…

Une nouvelle vision du luxe

Marrakech regorge de ces chantres du nouveau luxe, un luxe dans l’air du temps, un luxe recréé. Ils sont artistes, patrons d’hôtels, chefs cuisiniers, stylistes, maquilleurs, artisans ou antiquaires, mais aussi architectes et designers, décorateurs ou gérants de restaurants gastronomiques. Leur dénominateur commun ? Peupler la ville ocre d’objets de désir. En effet, ils s’accordent tous pour dire que le luxe c’est d’abord et avant tout un désir matérialisé sous la forme d’un objet ou d’une expérience. D’ailleurs de plus en plus, les amateurs de luxe comme les professionnels du secteur parlent de Life experience.

Qu’il s’agisse d’un massage au spa, d’un sac à main en croco griffé et sur liste d’attente, d’une montre suisse en édition limitée, d’une robe de cocktail en soie, d’un menu gastronomique, ou d’une suite de rêve avec un service impeccable et un concierge de luxe inventif et efficace, il y a toujours à l’origine une envie, un rêve, un désir. Pour ces professionnels du luxe, le luxe c’est l’inaccessible, la rareté et l’exceptionnel.

Nous leur avons posé la question, petit florilège de réponses.

Kenza - 34 ans - Journaliste
« Le luxe pour moi c’est le temps. Avoir le temps, perdre son temps, savourer le temps qui passe.»

Amine - 45 ans - Chef d’entreprise
« Le luxe ? Les voyages, l’évasion sans limite de temps ni de budget ! »

Zineb - 21 ans - Etudiante
« Le luxe, ce serait d’avoir une carte de crédit sans plafond et craquer pour tous mes coups de coeur shopping, me faire plaisir à moi et à mes proches aussi souvent que je le souhaite…Oui pour moi ce serait ça le luxe ! »

Lina - 28 ans - Cadre en entreprise
« Assouvir toutes mes envies de chaussures ! Acheter toutes celles que je rêve d’avoir, les collectionner ! sans me soucier de mon compte en banque ! »

Hicham - 29 ans - Publicitaire
« Ne plus se soucier des fins de mois, ne plus faire les comptes, ne plus être à découvert, ne pas avoir d’emprunt à rembourser? Avoir tellement d’argent que je pourrais oublier l’argent ! En résumé, être propriétaire et rentier !! »

Nadia – 56 ans - Décoratrice d’intérieur
« Mon luxe à moi, c’est l’espace…et le silence, le calme, et la beauté bien sûr ! »

Karim - 58 ans - Antiquaire
« Le luxe ? Trouver la paix de l’esprit ! et la santé !»

Asmaa - 17 ans - Lycéenne
« Avoir une vie libre, une vie de rêve, pouvoir faire ce que l’on veut quand on veut ! »

Sofia - 32 ans - Architecte
« Pour moi le luxe c’est la sérénité, l’humanité"

Au vu de ces réponses, il apparaît clairement qu’il existe autant de définitions du luxe que de personnes différentes. Le Luxe n’est pas plus féminin que masculin. Le luxe en lui-même est complexe, il a de multiples facettes, sa définition l’est donc tout autant. De belles matières, des prix vertigineux : le luxe est un univers formé de plusieurs mondes et que chacun définit à sa façon.

Gastronomie, mode, joaillerie, horlogerie, automobile, voyages, ou cosmétiques et parfums, dans chacun de ses univers, le luxe est différent, avec toujours comme point commun la qualité, seul critère objectif. Un savoir-faire unique, c’est là que réside l’essence du luxe. Il peut être sophistiqué, élégant, raffiné, sobre et discret, voire minimaliste ou au contraire flamboyant et baroque. Le luxe peut être classique ou radicalement contemporain et avant-gardiste, mais il est toujours le fruit d’un savoir-faire d’exception. Mais ce n’est pas tout il doit avoir ce supplément d’âme, ce quelque chose en plus qui comme le souligne Ghita 36 ans, « fait la différence et génère un bien-être intense et une confiance en soi » A côté des rêveurs, ceux pour qui le luxe est quelque chose d’immatériel et de précieux comme le temps, le bonheur ou la sérénité, il y a les fashionistas averties, des shopping addict qui se damneraient pour une paire de Louboutin, un sac Kelly d’Hermès, un Birkin ou une robe griffée Yves Saint Laurent. Et les hommes ne sont pas en reste ! La gent masculine compte nombre de passionnés de mode, adeptes d’horlogerie de luxe et de costumes couture. Pour cette frange-là, le luxe c’est l’élégance. En véritables dandys des temps modernes, ces hommes et femmes aiment la beauté, l’esthétique, les coupes impeccables, les finitions soignées, les matières nobles, autant d’éléments qui composent cette élégance tant recherchée. Les plus à la pointe de la tendance diront même que le luxe est une attitude, un style fait de must have et it bags, mais aussi de pièces vintage ou intemporelles et culte comme un trench Burberry, un carré Hermès, une montre Vacheron Constantin ou Jaeger Lecoultre. Insaisissable luxe qui se dérobe à toute tentative de définition. Protéiforme, multiple, il est parfois là où on ne l’attend pas et à Marrakech, il a plusieurs visages : boutiques de luxe studios de création, échoppes d’artisans, palaces, casinos et restaurants gastronomiques, jardins et demeures secrètes, adresses confidentielles ou connues de tous et de renommée internationale, le luxe marrakchi raconte plusieurs histoires, à chacun de trouver celle qui lui convient ...

Le luxe décalé
 
Parmi les amateurs de luxe, il y a les décalés. Ceux qui trouvent le luxe en des lieux improbables, ceux qui vivent le luxe comme une expérience, ceux qui voient le luxe dans les petits riens du quotidien. Ceux-là déclarent que le luxe c’est commencer la journée en savourant un petit déjeuner au soleil, voir Marrakech différemment en s’offrant un tour en montgolfière ou en hélicoptère. Ces adeptes d’un luxe décalé racontent la sensation inoubliable d’un tagine berbère cuit sur feu de bois et dégusté à l’Ourika après une randonnée, ils se souviennent de ce moment précieux de saveurs mélangées, bien plus que d’un repas dans un restaurant gastronomique. D’autres nous ont confié que leur luxe c’était de se perdre dans les ruelles de la médina, loin des artères touristiques pour ensuite assoiffés se rendre dans une mahlaba de quartier y boire un jus de fruit. Il y a ces amoureux des paysages qui nous parlent avec émotion d’un lever du soleil sur les dunes de Merzouga, ou des couleurs du ciel au crépuscule dans la Palmeraie. Pour ses consommateurs d’un luxe alternatif, authentique et hors des sentiers battus, l’odeur d’un bouquet de menthe mélangé à des herbes aromatiques est un moment de luxe, de même qu’une sieste sous les oliviers ou la contemplation d’une oeuvre d’art.

Texte Aya Nejjai

Photo DR

Zara Kadiri
Editor Made in Marrakech
9 novembre 2011