La grande menace

Culture
Dev Web
Editor Made in Marrakech
23 mars 2008

Roman prémonitoire, «La grande menace» voit enfin le jour. En visionnaire, Habib Mazini nous livre un message clair sur le terrorisme. Imaginez un commando terroriste infiltré au Maroc, à partir de l'étranger avec mission de saboter des infrastructures stratégiques du pays! Le scénario n'a malheureusement rien d'original dans le climat actuel où il n'est question dans les médias depuis le drame du 11 septembre aux Etats-Unis que d'attentats suicide, de tueries de masse et d'opérations terroristes à la voiture piégée.

C'est connu, les poètes, les artistes et autres ouvriers de l'irrationnel et du futile ont parfois des capacités inexplicables d'intuition plus aiguë et plus pertinente que les meilleurs des experts de l'évènementiel et de l'analyse froide et rationnelle en tout genre. Habib Mazini est de ces poètes, peu prisés - comme il est de règle dans ce pays ou tout le monde ignore joyeusement tout le monde - mais qui au moins pour une fois, dans ce roman justement, a eu le flair à la hauteur de la situation. Nous sommes depuis peu à la merci de la grande menace, celle qui plane sur la tête du monde entier aujourd'hui, globalisation aidant, et qui a pour nom hideux et effrayant : terrorisme.

La grande menace dans ce roman venait de l'Est, du pays frère attenant au notre : l'Algérie pour ne pas la nommer. Nous sommes à la fin des années 70, la guerre du Sahara fait rage et les relations entre le Maroc et l'Algérie sont dangereusement tendues. Le polisario fait beaucoup parler de lui et l'avenir est ouvert sur tous les risques. C'est dans ce contexte qu'un commando s'est infiltré au Maroc afin d'y mener des actes de sabotage. Objectif : isoler Casablanca du reste du pays afin d'empêcher le cheminement des armes du port vers le Sud via Settat et Marrakech.

Aidé par un certain Bachir, une sorte d'agent dormant installé à Settat, le commando se fixe pour objectif la destruction des ponts et des barrages sur l'Oued Oum Rabi'a dont Mechraâ ben Abbou à quelques encablures de Settat. La police finit par sentir la menace, des rumeurs confuses rien de plus. Et bientôt l'accumulation d'indices l'un après l'autre, sans liens apparents au début, puis de plus en plus en relation logique avec le projet. Ecrit à la manière d'un polar, le roman fait place aux meurtres et à l'investigation policière.

On jurerait de vivre le climat fébrile du 16 mai 2003 et après : rumeurs confuses, démentis, arrestations, gros titres suspicieux dans les journaux, c'est à qui mieux mieux rapporter la bonne, la vrai nouvelle. Mazini n'en est pas à son premier écrit. On lui doit déjà cinq romans : Le Jardinier du désert, Le Complexe du hérisson, La faillite des sentiments et La Basse cour des miracles, sans parler de ces ouvrages pour jeunes. On se croirait dans le présent avec son flot d'analyses et d'éditoriaux décriant la sécheresse de la nature et celle, plus impitoyable, des coeurs : la misère et la marginalité de pans entiers de la population, le meilleur terreau du désespoir et de la violence. C'est la plus grande menace en fait que Mazini dénonce, celle-là même qui engendre toutes les autres et qui continue de planer sur nos têtes après que les autres finissent de se dissiper. C'est le grand message de ce roman.

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Editor Made in Marrakech
23 mars 2008