La création au service du développement social
En 2006, l’organisation de solidarité internationale Planet Finance initie au Maroc un programme d’appui aux artisanes travaillant à domicile. Parmi les bénéficiaires, six groupements émergeront pour former le « Réseau Femmes Artisanes »
Le point commun du réseau actuel se résume à sa dénomination et à sa localisation, la région de Marrakech. Ensuite, de nombreuses différences apparaissent. La durée d’existence des groupements : le plus vieux existe depuis 1995, d’autres se sont formés suite au programme initial. Leur taille : les plus grands avoisinent une cinquantaine de membres, le plus petit se résume à un groupuscule. Leur savoir-faire : la production de bougies et la peinture sur verre côtoient une variété de métiers de la filière textile. La culture des membres : certaines femmes sont berbères, d’autres arabes, certaines rurales, d’autres citadines. Leur âge et leur expérience : des jeunes filles y font leur apprentissage tandis que des grands-mères exercent depuis toujours. Pourtant, une vive énergie unit cette mosaïque : mener à bien une activité génératrice de revenus. Derrière ce besoin matériel primordial, bien plus : une quête d’épanouissement personnel, familial et social.
La première innovation du réseau est cette association d’associations. Pour le reste, beaucoup de tradition au démarrage, dans les métiers, les produits et les mentalités. Au fur et à mesure, le réseau évolue, notamment grâce à l’appui renouvelé de Planet Finance et à un financement danois. Une intervention en design, à côté d’actions plus classiques, amorce tout particulièrement une ère nouvelle.
Le design étant dans l’air du temps à Marrakech, le concept n’était pas nouveau pour certaines artisanes du réseau. Une clientèle étrangère soucieuse des tendances et des programmes de développement innovants les avaient sensibilisées. Elles avaient entrevu que l’innovation peut être payante. La découverte du design est cette fois généralisée et approfondie sur plusieurs années, avec l’implication d’une école danoise spécialisée, ellemême assistée d’une école locale. Les artisanes assimilent le processus de création tandis que les étudiants se confrontent à la réalité du terrain. Les apprentis designers se forment mutuellement et créent ensemble. Tous s’inspirent de Marrakech, comme avec cette visite du jardin Majorelle pour capter des couleurs, des textures et des formes.
Certaines créations ne manquent pas d’étonner les artisanes : un style inhabituel, une fonctionnalité inconnue… En découvrant également le marketing, elles apprennent cependant à dépasser le très subjectif « j’aime-je n’aime pas » pour s’adapter à leur clientèle. Les nouveaux produits ne sont pas encore sortis au Maroc mais ont été testés en France et au Danemark lors d’expositions-ventes. Le verdict est positif, beaucoup se vendent bien. Ce lancement valide, enseigne et stimule tout à la fois. Les produits invendus sont réétudiés, de nouveaux sont ajoutés aux best-sellers, le tout étant modulé en fonction du marché visé. Le design fait ici non seulement évoluer les modèles, mais aussi la production, la commercialisation, l’organisation et… l’état d’esprit. Face aux commandes, il n’est plus question de tirer la couverture à soi ou de travailler chacun dans son coin, les groupements s’activent ensemble et pour tous
La dynamique de la création est en marche, gageons que le reste suivra !
Texte et photo Sandrine Dole