L'or rouge de Marrakech

Société
Dev Web
Editor Made in Marrakech
3 octobre 2005

La liste des Français propriétaires à Marrakech s'allonge. Les prix grimpent, la bulle immobilière est annoncée, mais rien n'y fait : la perle marocaine connaît sa valeur.

Une vieille porte en bois sculpté, usée par le soleil, au coeur de la médina. Fermée. « Il y a du monde à l'intérieur, des femmes... Ils ne vous laisseront pas entrer », dit une voisine qui passe, revêtue d'un tchador. La porte du riad, pourtant, finit par s'entrebâiller timidement, laissant deviner l'intérieur de ce qui fut, autrefois, le palais d'un sultan ou d'un riche marchand marrakchi : le patio est immense, agrémenté d'orangers qui diffusent une fraîcheur divine, les murs passablement défraîchis sont ornés de zelliges, et les quatre vastes pièces du rez-de-chaussée ont conservé leur charme, oriental à souhait. « Je vous avais prévenu : voilà un riad dans son jus, habité par une famille marocaine très traditionnelle. Il est à vendre, si vous voulez... », sourit Mustapha Blaoui. Son prix ? Environ 10 millions de dirhams, soit un million d'euros. Une fois restauré. C'est cher, mais le riad en question occupe plus de 1 500 mètres carrés. Et à Marrakech, quel que soit l'état du bien, c'est la superficie au sol qui compte ; souvent, il faut tout reconstruire, y compris, parfois, les fondations ! Mustapha Blaoui connaît bien le marché. Des riads comme celui-ci, il en vend plusieurs par an à une clientèle fortunée qu'il reçoit fort civilement, autour d'un thé à la menthe, dans sa mystérieuse caverne d'Ali Baba où s'accumulent tapis, lampadaires en peau de chèvre, appliques, potiches en tadelack... bref, du sol au plafond, de quoi transformer n'importe quelle habitation en palais des Mille et Une Nuits ! Parmi les habitués : Catherine Deneuve, Giorgio Armani, Hillary Clinton, les Agnelli... Mustapha Blaoui, enfant du souk, connaît la terre entière. Mais son métier de prédilection, depuis quelques années, consiste à vendre des riads aux people et à des personnalités qui souhaitent davantage de discrétion (il aurait ainsi aidé Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair à trouver le leur), et cherchent à s'établir dans la ville rouge. De Bernard-Henri Lévy à DSK en passant par Serge Lutens, Jean Poniatowski, Charles Aznavour, Homero Machry, Thierry de Beaucé, Jean-René Fourtou, la liste des Français propriétaires à Marrakech n'en finit pas de s'allonger. On y croise aussi de plus en plus de Belges, d'Anglais, d'Italiens. « Les Russes ne vont pas tarder car, depuis quelques mois, ils n'ont plus besoin de visa pour se rendre au Maroc », pronostique déjà un homme d'affaires français, habitué du vol Paris-Marrakech d'Air France.

Tout a commencé, dit-on, par une émission de « Capital » diffusée sur M6 en 1999. Il y était expliqué que l'on pouvait trouver des riads à restaurer dans la médina de Marrakech pour le prix d'un pavillon de banlieue : à l'époque, il s'en vendait entre 300 000 francs et 600 000 francs ! Qui eût cru qu'une telle information allait provoquer une véritable bulle immobilière ? En cinq ans, plus de 500 riads ont été vendus par des familles marocaines trop heureuses de quitter les rues insalubres de la médina pour les quartiers beaucoup plus résidentiels de Guéliz ou de l'Hivernage, autrefois réservés aux Français. Dans le même temps, les prix ont été multipliés par quatre ou cinq.

Une pénurie de briques et de parpaings

Certains ont transformé leur riad en véritable palais qu'ils habitent le temps des vacances ou d'un week-end prolongé : le Maroc n'est qu'à trois heures de vol des principales capitales européennes. Et le prix des billets a chuté : on se rend aujourd'hui à Marrakech comme à Deauville ou à Saint-Tropez il y a vingt ans. D'autres propriétaires, une fois les travaux de restauration achevés, ont choisi de rentabiliser leur bien en le louant sous forme de chambres d'hôtes. « C'est une activité relativement rentable », confie Alain C., 45 ans, qui travaille à Lyon mais possède un riad dans le nord de la médina, près de la mosquée Ben Youssef. Acheté 120 000 euros voilà trois ans, c'était une bonne affaire. « Au départ, je voulais acheter un appartement dans le sud de la France, mais je me suis aperçu que pour le prix d'un studio à Montpellier, je pouvais avoir un riad de 200 mètres carrés, en assez bon état, à Marrakech. Je n'ai pas hésité ! »

Alain a toutefois dû dépenser 40 000 euros supplémentaires pour les travaux et la décoration de sa trouvaille avant de pouvoir la proposer à la location, via divers sites internet. « J'emploie deux personnes sur place qui accueillent les clients, servent les petits déjeuners, font le ménage et assurent le gardiennage. Quant aux réservations, je les gère moi-même depuis la France et je m'arrange pour venir à Marrakech tous les deux mois », explique-t-il, fier d'afficher un taux de remplissage de 60% à l'année. Un business rentable ? « En six semaines de location, j'amortis le coût de fonctionnement annuel de mon riad », résume « Monsieur Alain », comme l'appelle son personnel marocain.

Tout le monde n'a pas sa chance. La concurrence, aujourd'hui, est devenue sévère entre ces « riads-hôtels » qui ont fleuri un peu partout aux abords de la place Djema'a el-Fna. Difficile aussi de gérer les travaux de restauration lorsque l'on n'habite pas sur place : Marrakech est prise d'une telle frénésie qu'il devient délicat de trouver de bons artisans disponibles et surtout... respectueux des délais. « Cet hiver, on ne trouvait plus ni briques ni parpaings à Marrakech ! », confie un investisseur en prise avec les pires difficultés. « En deux ans, le coût de la construction a grimpé de 30% », explique-t-on chez Ryad Plus, une société spécialisée dans les travaux de restauration. Quant à l'investissement de départ, il n'est plus du tout le même qu'il y a trois ans. « Les très grosses plus-values ont été réalisées par des gens qui ont investi il y a cinq ans », estime Jean-Dominique Leymarie, propriétaire d'un golf dans la région parisienne... mais aussi d'un délicieux riad dans le nord-est de la médina de Marrakech. Maintenant, pour faire des affaires, il faut investir à Essaouira (NDLR : au sud, sur la côte atlantique), qui pourrait un jour rivaliser avec Ibiza. Il va y avoir un nouvel aéroport, des golfs... Ça va monter, c'est certain. Le Maroc est sur le point de devenir la Floride de l'Europe ».

Pourtant, ce n'est pas à Essaouira mais au sud-ouest de Marrakech que Jean-Dominique Leymarie a acquis les six hectares de terrains où il vient d'ouvrir le Beldi Country Club : une oasis de verdure et de luxe (restaurant, spa, piscine à fond noir très chic bordée d'oliviers centenaires) au milieu des dunes de sable chaud. Objectif : accueillir des vacanciers à la journée (par exemple, les clients des riads souvent dépourvus de piscine) ou à l'occasion de réceptions, de mariages, ou de séminaires. « Mon choix ne doit rien au hasard : la périphérie de Marrakech est appelée à connaître un véritable boom touristique et immobilier dans les années à venir », assure Jean-Dominique Leymarie. En deux ans, le prix de l'hectare y a déjà été multiplié par six !

Il n'est qu'à se promener le long de l'avenue Mohammed-VI, anciennement appelée avenue de France, pour comprendre. Arrivé sur le trône il y a cinq ans, le jeune roi du Maroc a décidé d'en faire les Champs-Elysées de l'Afrique ! Déjà les 7,5 kilomètres de cette artère (dont 5 kilomètres flambant neufs inaugurés en mai 2004) filant vers les montagnes de l'Atlas sont bordés de palmiers fraîchement plantés au pied desquels pousse un gazon vert tendre bien arrosé. Mais partout alentours, les hôtels, villas et appartements témoins jaillissent plus vite encore que la végétation. Les promoteurs sont là, à l'affût des investisseurs dont le nombre devrait rapidement progresser à la faveur du plan de développement touristique, baptisé Azur, lancé par Mohammed VI. Objectif : attirer, d'ici à 2010, dix millions de touristes étrangers (contre un million actuellement) au Maroc.

Les Champs-Elysées de l'Afrique en projet

« Acheter un bien immobilier dans cette zone est un excellent choix », promet Jean Pozzo di Borgo, directeur général d'Eden Développement, qui propose un programme immobilier prestigieux, « les Parcs de l'Agdal », aux abords des jardins royaux. Les 18 hectares de terrains acquis voilà quelques années par le Français Simon-Xavier Guerrand-Hermès, propriétaire de l'un des plus beaux riads de Marrakech, accueilleront bientôt 60 appartements de 100 mètres carrés chacun, vendus 215 000 euros l'unité, une douzaine de dars (maisons marocaines) avec jardin privatif (de 400 000 euros à 500 000 euros), et 18 villas dont le prix oscillera, selon les aménagements, entre 650 000 euros et 1,4 million d'euros. Jardins, patios, piscine, végétation savamment étudiée, domaine clos de murs et gardienné en permanence... 20% du programme ont déjà été commercialisés.

« Notre offre s'adresse à des gens qui ne veulent pas s'embarrasser des problèmes de construction et souhaitent investir au Maroc en toute sécurité, via de vrais professionnels », argumente Stéphane Murignieux, directeur du projet Abraj, à Bab Atlas, un autre programme immobilier situé cette fois-ci près de la palmeraie de Marrakech. Neuf villas y sont proposées à la vente, au coeur d'un luxueux domaine de 7,5 hectares qui comptera également un petit hôtel agrémenté d'un centre de bien-être et de neuf autres villas proposées à la location (4 000 euros la semaine). « Les propriétaires pourront bénéficier de tous les services de l'hôtel - conciergerie, jardinier, chauffeur - un peu comme s'ils étaient eux-mêmes des clients, explique Stéphane Murignieux. Ils auront aussi tout loisir de louer leur maison quand ils ne l'occuperont pas. Il y a une vraie demande pour ce type de produit... » Le prix ? Entre 500 000 euros et 560 000 euros pour une villa de 250 mètres carrés. Inauguration le 9 novembre. Après le ramadan.

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3 octobre 2005