Etre en vie et autres méditations de Bensalem Himmich

Culture
Dev Web
Editor Made in Marrakech
11 mai 2008

Né en 1949 à Rabat, Bensalem Himmich est professeur de philosophie à l’université de Rabat et auteur bilingue d’œuvres littéraire et philosophique (en arabe et en français ). Trois de ses romans sont traduits en plusieurs langues. Il est lauréat de quatre Prix, dont Prix Naguib Mahfouz (2002) et Prix Sharjah-UNESCO (2003) pour l'ensemble de son œuvre... <BR> Intellectuel engagé, Bensalem Himmich est membre de plusieurs organisations culturelles internationales. Il milite en politique et dans le domaine des droits humains.<BR>

« Est-il preuve de prévenance et de délicatesse plus pure que celle fournie par l'empereur stoïcien Marc-Aurèle, au seuil même de ses « Pensées pour moi-même » ! s'exclame Bensalem Himmich, dans son livre au titre existentialiste et un tantinet alambiqué « Être en vie et autres méditations ». On est surpris en fait qu'un empereur de la dimension de Marc-Aurèle puisse faire preuve d'humilité en « laissant toute latitude au lecteur de le suivre dans ses méditations rédigées entre deux batailles) ou de lui tirer sa révérence quand bon lui semble. »

C'est sans doute avec ce même esprit que Himmich propose son propre livre. Conçu comme une sorte de carnet de route où l'on « attrape en plein vol, pour les transcrire, les sensations et les pensées fulgurantes qui traversent l'âme durant des instants furtifs et prestement volatiles », ce livre peut séduire par sa démarche inhabituelle de la part de l'essayiste rigoureux et explicite que nous connaissons, mais aussi susciter de la curiosité eu égard à la gravité des sujets existentiels qu'il évoque : la vie, la mort, l'amour, les contingences de l'existence...

Il risque également de provoquer quelques irritations chez le lecteur pressé, de par son caractère intimiste voire ésotérique. « Tout (le temps et la masse) concourt à m'asséner des coups durs sur mon immense et prolifique insignifiance », écrit-il dans un chapitre intitulé « Confessions... » « Cependant, pour ne pas y succomber, je bricole tout un art de la résistance de longue haleine, appuyé à un arsenal de devises revigorantes et de ruses performantes à même de mettre le holà à mes faiblesses ». « C'est l'incertitude qui nous charme, écrit oscar Wild, tout devient merveilleux dans la brume ». C'est sans doute cette brume, ce flou esthétique, dont Bensalem Himmich enveloppe ses propos qui leur procurent du charme, du moins auprès de certains lecteurs avides de mots et de sensations en rapport avec l'absolu.

Les autres, l'auteur leur dit ceci : « Le plaisir que je me fais à moi-même en écrivant est mon seul baromètre, ma seule boussole. D'autres que moi, me dis-je, éprouveront peut-être, certes à des degrés moindres, le plaisir qui est le mien ; quant à ceux qui me laisseront choir, je ne peux rien pour eux, mon vin n'étant pas le leur et mon ivresse non plus. » En fait « l'ivresse » que ce texte est susceptible de procurer est variable selon les chapitres. Si certaines pages sont d'une banalité affligeante, d'autres sont plus inspirées, plus lumineuses.

C'est peut-être le propre de ce genre d'écrit fait d'assemblage d'aphorismes inspirés par à coup au gré de l'inspiration et des circonstances, et qui par définition, sont indépendants les uns par rapport aux autres. Ce qui est certain, c'est que pour porter un quelconque intérêt à ce texte, et aller au bout de sa lecture, il faut moins avoir le goût de l'ivresse que celui de la littérature et de la culture en général, arabe classique notamment sur laquelle l'auteur semble jeter son dévolu. A l'exception de quelques pages dédiées au philosophe allemand Nietzsche, ce sont les grandes figures de la littérature et de la pensée arabo-islamique classique qui obtiennent la part du lion dans ce texte. Ce sont noms immortels tels Hallaj, Rhazi, Ibn Sina, Ibn Rochd, Ibn Khaldoun et bien d'autres qui font l'essentiel de ce carnet de route d'un genre particulier.

Celui d'un voyageur à travers les livres, les idées et les époques. Loin des préoccupations de l'historien, Bensalem Himmich, dans ce livre médite plutôt sur des aspects de la petite histoire qui marque le destin des hommes et souvent éclaire la grande. La petite histoire ? C'est la détresse d'Ibn Khaldoun à la perte de sa famille en mer, et de son exil à Damas, loin de sa terre natale, sous la protection de Tamerlan. C'est aussi le goût sans retenue des plaisirs de la vie d'un Avicenne et sa fin tragique. C'est encore les mésaventures d'un Abou Nawass avec le vin et les plaisirs de la chair. On le voit, il faut être initié à l'histoire et à la littérature arabe classique pour aborder ce livre.

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Editor Made in Marrakech
11 mai 2008