Enracinement de la dimension solidaire

A cet effet, et à quelques jours de l'avènement du mois sacré du Ramadan, des petits espaces commerciaux sont aménagés pour l'occasion, sous forme de "souikates" (petits marchés) dans différents coins de l'ancienne Médina (ruelles et principaux axes), permettant ainsi aux populations de s'approvisionner et de mieux se préparer à ce mois sacré.

Ces petits points de vente, servent également d'espace pour les artisans qui exposent outils et ustensiles de cuisine en bois ou en poterie, faits à la main et fortement demandés pendant le ramadan. Pour leur part, les mères de familles se mobilisent pour que tout soit fin prêt pour accueillir ce mois béni.

Les jeunes, quant à eux, s'adonnent pendant ce mois, dans la vente de gâteaux, crêpes traditionnelles et autres friandises, ou encore dans la vente de légumes et fruits de saison, entre autres.

Pour chaque visiteur de la cité ocre, force est de constater qu'au coeur de l'ancienne médina et des quartiers populaires, ce mois sacré revêt un charme particulier, surtout que la spontanéité des habitants, leurs relations fraternelles, leur chaleur humaine et leur convivialité, manifestées à coeur ouvert, laissent croire aisément qu'il s'agit d'une seule famille vivant sous un seul et même toit.

Les images de cette convivialité se diversifient chez les habitants de l'ancienne Médina, notamment via la sacralité accordée à certains concepts sociaux et originaux menacés, actuellement, de déperdition, à leur tête la notion de "Aljar" (voisin).

Le mois du Ramadan constitue ainsi pour eux, une occasion idoine pour se tourner vers les voisins, s'enquérir de leur situation et partager avec eux les bons moments de ce mois sacré, tels celui du premier jeûne de leurs enfants.

Ainsi, dans certains quartiers populaires de la cité ocre, et à l'occasion du premier jeûne d'un enfant des voisins, se sont les 7 voisins les plus proches et dans une ambiance de joie, qui se chargent de la préparation de la table d'"Al-Iftar" (rupture de jeûne). Celle-ci comprend 7 variétés de dattes, de la soupe "harira", des Ïufs, de la chebakia, ainsi que des crêpes traditionnelles et d'autres gâteaux.

S'agissant de la préparation des gâteaux et autres friandises ramadanesques, cela se fait d'habitude de manière collective deux semaines ou plus avant l'arrivée du Ramadan, afin de permettre aux voisins de se mettre d'accord, entre eux, sur un calendrier pour les préparations, ou encore pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin.

Quant à la "Joura" (voisinage), telle que connue dans la coutume marrakchie, elle puise ses origines dans les préceptes de l'Islam et de la Souna, en ce sens qu'il est inconcevable pour un voisin de manger du "méchoui" sans inviter un autre à sa table du dîner. Ce comportement n'est pas étonnant si l'on sait que dans la tradition locale, même les plats traditionnels marrakchis comme la "Tanjia", "Rfissa" ou encore le "Couscous" sont préparés de façon à être mangés collectivement, à savoir en présence des membres de la famille et des voisins.

Ce signe de solidarité avec les proches et voisins apparaît également clair sur le plan religieux, notamment durant la nuit du 15 Ramadan ou encore Laylate Al Quadr (26 Ramadan), quand les habitants, hommes et femmes, d'un même quartier se rassemblent pour accomplir collectivement la prière des tarawih.

Cette solidarité s'accentue davantage le jour de la fête (Aïd Al Fitr), notamment via l'octroi de la "Zakat" aux voisins les plus nécessiteux ou encore, dans le cadre d'échanges de visites entre voisins du quartier.

Le tissu urbanistique traditionnel de Marrakech a été conçu de façon à réunir, côte-à-côte, les familles aisées, celles de la classe moyenne ainsi que celles nécessiteuses, une composition qui a beaucoup aidé à la généralisation et la consécration de la culture de solidarité sociale.