Dar al-Ma’mûn, la vallée du calife

Artistes
Zara Kadiri
Editor Made in Marrakech
18 novembre 2011

Un centre international de résidences d’artistes en arts visuels et un espace de traduction littéraire prennent forme à quelques kilomètres de Marrakech, dans le village de Tassoultante

Une résidence de création ? Une bibliothèque ? Un centre de traduction littéraire ? Dar al Ma’mûn est tout cela à la fois. « L’intérêt du projet consiste, d’une part, à offrir aux artistes marocains et étrangers le temps et le moyen de produire des oeuvres grâce à une bourse individuelle de 5 000 euros et, d’autre part, leur permettre de se rapprocher d’autres professionnels de l’art, de personnes qu’ils ne rencontrent pas forcément lorsqu’ils créent dans leur propre atelier », explique Carleen Hamon, co-directrice du site. Le complexe qui a ouvert au sein du village de Tassoultante, dans la vallée de l’Ourika, s’affirme comme une plateforme culturelle internationale qui a pour vocation d’apporter un soutien à la création émergente. Début décembre, pour une durée de 3 à 5 mois, cette pépinière d’artistes accueillera la photographe islandaise Elin Hansdottir, le réalisateur d’installation et photographe allemande Mario Pfeifer, le vidéaste palestinien Nida Sinnokrot et enfin la japonaise Megumi Matsubara qui travaillera sur la lumière.

L’autre défi de Dar al-Ma’mûn est d’imposer un pôle de recherche en traduction littéraire (arabe-français-anglais) afin de mettre en lumière des textes et des genres littéraires, anciens et modernes, insuffisamment traduits, pour le plaisir de les faire connaître et pour contribuer à produire une image moins simpliste de la culture qui les porte. « Pour la première traduction, une oeuvre du philosophe français Jacques Rancière sera traduite en arabe », confie Carleen Hamon. « C’est le directeur de la bibliothèque Omar Berrada qui a fait ce choix, en accord avec l’auteur et au regard de l’esthétique de l’ouvrage ». Autre pilier de Dar al-Ma’mûn, soutenu notamment par Bibliothèques Sans Frontières : une bibliothèque pensée comme un centre de ressources multilingue avec des oeuvres en arabe, en français et en anglais. « Elle s’adresse aux artistes, écrivains et traducteurs en résidence, mais aussi aux étudiants et chercheurs de Marrakech et de sa région ». Constatant l’absence quasi-totale d’accès au livre en zone rurale, la bibliothèque se donne également une mission de lecture publique, pour les adultes et les enfants des villages voisins. En attendant la livraison du bâtiment final de 4 000 mètres carrés en 2012, Dar al-Ma’mûn s’est installé au coeur de l’hôtel Fellah qui lui fera face. Cette ruche artistique et culturelle verra aussi la naissance d’un « Chapiteau des enfants », dédié aux jeux, à la lecture de contes ainsi qu’à des projections, des ateliers d’arts plastiques et d’initiation aux technologies informatiques, le tout pivotant autour de la bibliothèque.  

Défi pédagogique

Depuis février dernier, Dar al-Ma’mûn travaille avec les écoles locales grâce à un partenariat avec la Fondation Zakoura. Elle propose notamment aux habitants des villages voisins des cours d’alphabétisation et des ateliers d’insertion professionnelle ainsi que des cours de soutien scolaire pour les enfants en difficulté. Son ambition consiste également à sensibiliser ce public à l’art contemporain et à la littérature tout en les invitant à découvrir le patrimoine artisanal local.  

Les maisons de la sagesse

Le nom de Dar al-Ma’mûn rend hommage à Al-Mamun, célèbre calife de la dynastie abbasside né à Bagdad en 786. Son règne (de 813 à 833) fut une grande réussite sur le plan culturel grâce à son intérêt pour le travail des savants (astronomes, mathématiciens, penseurs, lettrés, traducteurs), surtout de ceux qui connaissaient le grec. C’est à lui que l’on doit les premières maisons de la culture et de la sagesse qui n’étaient au départ que des bibliothèques. Celui-ci les améliora considérablement, jusqu’à les transformer en centres de traductions, d’étude et de recherche en philosophie et en science.

Texte Zohra Omari

Photo Dar al-Ma'mùn

Zara Kadiri
Editor Made in Marrakech
18 novembre 2011