Communauté française au Maroc : l'envers du décor

Société
Dev Web
Editor Made in Marrakech
4 mai 2009

Des français qui s'installent au Maroc, les médias montrent souvent des PDG d'entreprises qui ont fait fortune, des retraités achetant des ryads, éblouis devant un décor des Mille et Une Nuits... Mais le quotidien de certains est bien loin de ce rêve marocain. Certes, ils sont une minorité, mais restent dans l'ombre.

La communauté française ne cesse de croître, même si les chiffres officiels tendent à la sous-estimer, faute de pouvoir appréhender les durées de séjour exactes. Certains sont juste de passage, d'autres font l'aller-retour en France pour ne pas excéder les trois mois de séjour butoir au terme desquels leur situation devient illégale. D'autres encore font tout simplement les démarches pour obtenir leur carte de résident et enfin, certains sont bi-nationaux (ont les nationalités française et marocaine.)

Selon la Maison des Français de l'étranger, 36.818 français étaient enregistrés au 31 décembre 2008. Mais une mention précise, sur le site internet : « La communauté française au Maroc compte plus de 40.000 personnes. Il s'agit de la communauté étrangère la plus importante, avant celle des espagnols ». Ils se concentrent principalement sur la ville de Casablanca (16.783 personnes sont inscrites auprès de ce consulat), de Rabat (7.899 personnes) et de Marrakech (5.087 inscrits). Ce ne sont là que les chiffres officiels. Un récent reportage, diffusé sur 2M, estime à 80.000 le nombre de français au Maroc.

Toujours d'après la même source, environ 500 entreprises françaises seraient implantées dans le Royaume. Une enquête de la mission économique du Maroc, datant de 2008, dénombre 1.000 entreprises françaises, d'après des critères très précis. En 2006, les entreprises françaises comptaient 529 filiales au Maroc, employant plus de 105.000 personnes.

Les retraités sont également nombreux à émigrer au Maroc afin de pouvoir bénéficier d'un abattement fiscal avantageux, mais leur nombre exact relève du mystère. Un journaliste du Figaro affirme pourtant qu'ils seraient plus de 42.000 à profiter de cette défiscalisation, mais il ne cite pas sa source.

Les motivations d'émigration s'esquissent à travers ces données. Elles sont assez faciles à brosser : envie de dépaysement, coût du niveau de vie moins élevé... Mais l'installation n'est pas toujours facile et une minorité de français rencontrent des difficultés à leur arrivée au Maroc. Une réalité que l'on n'évoque pas ou peu, mais qui existe bel et bien.

« Le Maroc n'est pas l'Eldorado » Preuve en est le soutien des associations d'aide aux français. La Communauté française du Maroc (CFM) en est un exemple éloquent. Cette association Ïuvre dans le social et rien d'autre. Bien que située dans l'enceinte du très huppé Cercle Amicale Français de Casablanca, le CFM aide les plus démunis. « Notre but est d'aider les français expatriés ou binationaux (on a beaucoup de couples mixtes) dans leur vie quotidienne. Car souvent, ce n'est pas évident, certains expatriés sont complètement perdus », explique Marie-Jeanne Astruc, présidente de la CFM. Ainsi, l'association informe sur la caisse des français de l'étranger (CFE), sur les retraites, sur les bourses scolaires... Au cours de l'année écoulée, 900 dossiers ont été étudiés officiellement. Mais le CFM semble surtout être un lieu d'écoute où Marie-Jeanne Astruc reçoit souvent des cas délicats, notamment de violences conjugales au sein de couples mixtes...

« Venir en aide aux français en difficulté ou en situation de détresse matérielle par des secours en numéraire ou en nature », c'est l'objectif de que résume Raymond Fabre, un des responsables. D'après lui, les personnes aidées seraient le plus souvent « des familles qui, au vue de l'augmentation du coût de la vie, ne peuvent pas payer des soins médicaux à leurs enfants. » C'est le consulat de France qui leur transmet les dossiers pour étude et le conseil d'administration de l'association statue sur les cas. L'autre activité, majeure, de l'AFEB, est la gestion d'une maison de retraite, principalement occupé par des français. Les pensionnaires sont immatriculés et âgés d'au moins soixante ans. L'association aide certains d'entre eux à payer une partie ou la totalité des frais de pension. Selon Raymond Fabre, ce sont en majeure partie des « personnes très âgées, sans famille, bénéficiant de retraites insuffisantes et préférant terminer leur vie dans un pays qu'ils aiment. »

Ce problème des seniors, la CFM s'en est aussi saisi, en créant un club, en 2005, qui leur est entièrement dédié. Environ quatre-vingt personnes prennent donc part aux diverses animations organisées par l'association. L'AFEB et la CFM s'associent parfois pour des fêtes communes afin de créer des rencontres car ces retraités sont souvent isolés. « Toute une partie d'entre eux était là pendant le protectorat. Ils ont toujours vécu ici et n'ont pas envie de partir. Certains ont été récupérés par leurs enfants qui vivaient au Maroc mais eux-mêmes ont toujours vécu en France. Ceux-là n'ont pas d'amis. D'autres enfin sont allocataires du consulat et ont très peu pour vivre », précise Marie-Jeanne Astruc qui connaît bien chacun d'entre eux.

Cette dernière évoque une autre réalité à laquelle se heurte cette population : « Tous les retraités foncent vers le Maroc à cause des réductions d'impôts. Ils achètent ici et larguent tout en France, sans réfléchir. Ils ne prennent pas la sécurité sociale, ils doivent avancer des frais et se retrouvent devant des problèmes épouvantables. Elle en est convaincue : ce pays a des avantages mais il faut mettre les gens en garde : le Maroc n'est pas l'Eldorado. »

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4 mai 2009