1907 : Quand les journaux français lorgnaient sur Marrakech

Société
Dev Web
Editor Made in Marrakech
3 mars 2011

Médecin de Rabat et passionné d’histoire, Robert Chastel a retrouvé des éditions du Petit journal et du Petit Parisien entre 1891 et 1907, deux journaux français de l’époque à fort tirage et très intéressés par le Maroc. Il en a fait un livre, Le Petit Maroc insolite, et nous dit pourquoi Marrakech y est très présent.

Made in Marrakech : Quel évènement si important a pu avoir lieu à Marrakech pour que deux des plus grands quotidiens français de l'époque en fassent régulièrement leur Une ? Robert Chastel : Il s'agit de l'assassinat du docteur Mauchand, en mars 1907. Il tenait un dispensaire, c'était un médecin de l'ambassade française, très connu et très respecté, parce qu'il était un lien avec la population. Il avait reçu chez lui un explorateur, et ils avaient ensemble installés sur le toit de sa villa un poste d'observation, a priori purement géologique. Mais les tensions étaient fortes avec l'Allemagne, et Berlin a fait courir le bruit qu'il s'agissait d'une machine qui allait espionner tout le Maroc. Tout le pays était déjà en effervescence à cause de la présence étrangère, et il a donc été tué. En 15 jours, par l'intermédiaire de ces deux quotidiens, le retentissement a été mondial. Si important que Lyautey, qui était à Oran, a reçu l'ordre d'occuper Oujda.

Made in Marrakech : Les journaux s'intéressaient-ils à Marrakech avant cet évènement ? Robert Chastel : Pas du tout. On n'a commencé à parler de la ville qu'au moment de cet assassinat. Avant, les regards étaient focalisés sur Tanger, porte de la Méditerranée.

Made in Marrakech : Pourtant, Marrakech était à cette époque une ville impériale. Robert Chastel : Oui, à partir de 1894. Le Sultan Moulay Hassan était parti en expédition dans des régions en dissidence, qui ne payaient pas d'impôts. On coupait quelques têtes, et on récupérait tout : biens, céréales... Sur la route du retour, vers Rabat, il est mort d'une maladie. Son Chambellan a alors affirmé qu'avant de mourir, le Sultan lui avait dit que son choix s'était porté sur son fils Abdelaziz, le plus jeune, alors qu'il n'était pas l'héritier direct.

A Fès, on ne l'a pas cru, et le Chambellan a eu peur de la révolte. Il a donc déménagé le palais vers Marrakech, puisque c'est lui qui faisait l'intérim du pouvoirÉ En prenant bien soin, évidemment, de ne pas former le prince Abdelaziz à l'exercice du pouvoir. Il y a d'ailleurs construit le palais de la Bahia. Lorsqu'il est mort, en 1900, il y a eu une période d'hésitation, et le Makhzen (palais) a été à nouveau déménagé à Fès.

Interview Mathias Chaillot Photo DR Publié le 3/03/2011

Retrouvez la seconde partie de cette interview sur Made in Tanger.

A lire : Le Vieux Maroc insolite du Petit Journal et du Petit Parisien, par Robert Chastel, éditions Chastel.

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3 mars 2011