Tayeb Saddiki, le monstre sacré du théâtre est né à Essaouira
Sur les planches : théâtre des gens, théâtre ambulant, théâtre ouvrier, Tayeb Saddiki l’avant-gardiste et précurseur du théâtre marocain contemporain est aussi Souiri. Aujourd’hui à presque 80 ans l’auteur, réalisateur, metteur en scène et acteur a plus de 85 mises en scène à son actif. Itinéraire du Monstre sacré de la scène artistique marocaine.
Itinéraire et palmarès
D'André Voisin et Charles Nugue au Maroc à Jean Vilar au Théâtre National de Paris, Tayeb Saddiki écrivait le prologue de ce qui fut sa destinée théâtrale ; un parcours énorme, un palmarès hallucinant. Directeur Général du Théâtre Municipal de Casablanca (entre 1965 et 1977), fondateur du Festival Musical d’Essaouira (1980) et fondateur des troupes du "théâtre ambulant", "théâtre ouvrier" "théâtre des gens"...
Acteur de plusieurs dizaines de films, auteur de plus d’une vingtaine de pièces originales, de 36 adaptations de pièces étrangères et metteur en scène 85 pièces de théâtre, dont la plus connue est "Al Haraz". Enfin, il a été nommé Chevalier des Arts et des Lettres et a reçu l’illustre décoration "Wissam Al Kafaâ Al Fikria" décerné par sa Majesté Mohamed VI.
La création du patrimoine théâtral marocain
Pour en arriver à ce palmarès, il a fallu d’abord un chantier colossal : la traduction en arabe des principales pièces du théâtre mondial, ce qui n’avait pas été fait ou seulement pour le théâtre anglophone. De Molière à Gogol ; Saddiki veut offrir au Maroc, le choix des possibles du patrimoine théâtral mondial. Sa seconde priorité sera celle de créer un patrimoine exclusivement marocain. Du MaqâmatBadî‘ al-Zamân d’Al-Hamadhânî ou du DiwânSîdî ‘Abd al-Rah’mân al-Majdûb, il y eut de nombreuses fresques consacrées à l’histoire marocaine, almoravide, saadienne ou alaouite, et à ses événements majeurs : la Bataille de Zellaqa par exemple. Mais Saddiki passionné, avant-gardiste n’en resta pas là et entreprit la rédaction de plusieurs dizaines de pièces originales dans le but de la création d'un répertoire marocain contemporain.
L’héritage méconnu du théâtre de Saddiki… Une révolution
Ce que l’on sait moins, c’est que Saddiki a ouvert la voie à la scène contemporaine artistique et culturelle marocain, bien au-delà du théâtre. Très vite, il ne se pose pas seulement comme auteur, acteur, metteur en scène, mais comme théoricien et homme de théâtre engagé, ce qui ressort de la création de ses troupes et de sa conceptualisation du théâtre (ce qui donnera le théâtre des gens.) Pour diriger ses pièces, il utilise les techniques cinématographiques modernes et travaille à initier, innover et créer une tradition théâtrale unique alors au Maghreb, qu’il amène au petit écran. Chantre de la nouvelle vague marocaine, c'est lui qui a ouvert la voie aux formations musicales dont le rayonnement est encore aujourd’hui si fort au Maroc : Jil Jilala, Nass El Ghiwane témoignent de la modernité culturelle marocaine et de son "explosion" dans les années 60. Chose possible grâce à une autre façon d’appréhender l’art et la scène initié par Tayeb Saddiki, qui aura même changé le public.
Aujourd’hui moins présent il continue de travailler et à délivrer son message auprès du public lors de conférences ou tables rondes.
A Essaouira, son nom fait la fierté de nombreux habitants qui reconnaissent en lui la force créative et l'audace dont les souiris sont capables. Une liberté, une curiosité et un regard unique auxquels il était indispensable de rendre hommage.
Texte Nathalie Perton
Photo DR