Poupa Litza : une affaire de sacs, et de coeur surtout

On rencontre Minnie dans son atelier, où l'on a d'ailleurs 90% de chances de la trouver à longueur de semaine. Un lieu totalement investi, qui ne porte pas seulement le nom de sa marque, mais s'avère être aussi un espace de création, showroom, lieu de retrouvailles et de travail ; un lieu de vie dirait-on. Située dans la rue Mohamed El Qory, l'enseigne ne passe généralement pas inaperçue. Sa petite porte sans prétention est affublée de sacs plus originaux et colorés les uns que les autres, offerts au regard des passants, alertant les plus curieux  d'entre eux. Une invitation à entrer dans un univers qui, si il n'a rien de chic ou d’apprêté, reflète l'amour pour les matières et surtout une véritable griffe.

Un petit thé, un pull rose vif et le sourire, Minnie en fume une et nous raconte brièvement, elle le souhaite, son "avant Essaouira", qui pourtant en dit long sur ce qu'elle est aujourd'hui. Native de Tunis, elle débarque à Paris adolescente. Elle en partira assez vite pour passer 14 ans en Allemagne, baignant dans un univers arty de créateurs. Ses études stoppées à 19 ans, Minnie verse de suite dans les concepts les plus "tendance" avec une réelle intuition. Dans les années 80, elle lance avec son frère et développe depuis l'Allemagne la marque Ton sur ton. Un vrai coup d'éclat. L'affaire vendue quelques années plus tard, et de retour à Paris, Minnie fait "tout un tas de petites choses", mais cette période plus "libre" comme elle la décrit sera finalement l'occasion de changer de cap.

"Ce lieu qui me sauve"

Sa fille part un jour en vacances au Maroc, découvre Essaouira, la plage de Sidi Kaouki, et l'appelle au téléphone pour lui dire qu'elle ne reviendra finalement pas. Minnie débarque "dans ce Maroc là" pour comprendre ce choix et le comprend vite. Elle redécouvre une atmosphère, des lieux qui l'inspirent et des parfums d'enfance, un sentiment de "bien chez soi". "Ce n'est pas un coup de foudre pour Essaouira" précise-t-elle, mais plutôt un lien naturel entre le Maghreb et une femme à la fois européenne et enracinée. Enfants et amis la suivent, et c'est finalement une famille entière qui vient s'installer dans la région en 2004. Minnie vit ici avec son clan, avec ceux qu'elle aime. Une vision familiale de la vie qui la porte et lui donne, visiblement, une énergie et une soif de vivre débordantes.
A cette époque elle démarre une fabrication de sacs en cuir à Essaouira, puis lance un showroom à Paris qui reçoit et diffuse l'ensemble de la production. La marque jouit d'un accueil exceptionnel en France et dans toute l'Europe. Une "période formidable de développement" pour Poupa Litza, et des aller-retours nombreux pour Minnie entre Paris et Essaouira.
A l'heure des choix de vie et d'envie, Minnie finira par se consacrer uniquement à son activité locale au Maroc, ferme son showroom parisien, ouvre son atelier d'Essaouira au public, exporte à la demande vers les pays d'Europe et les Etats-Unis et se consacre à la création de sacs en toutes petites séries. Ce qui lui tient à cœur aujourd'hui c'est de faire vivre cet endroit et d'élargir la palette de ses créations aux vêtements et à la décoration. "Ici, ça me suffit, je veux développer mon histoire dans ce lieu... Ce lieu qui me sauve à chaque fois".

Enfants et petits-enfants arrivent en fin d'après-midi à l'atelier pour faire une bise et retrouver "leur" Minnie. Il est temps de les laisser ensemble, au milieu des sacs, des broderies et des chutes de cuir au parfum sucré. A n'en pas douter l'héritage des matières et de la liberté est ici en marche.

Texte Alice Joundi
Photo Poupa Litza