Mostafa Ben Malek ou l’aura d’un peintre

Des épices et des femmes
Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
14 septembre 2015

Vous me direz c’est un peu la base de la culture marocaine. Méfiez-vous des clichés, on vous emmène dans un univers bien étrange, celui de l’artiste Souiri, Mostafa Ben Malek. Un homme qui a transcendé le monde clanique des genres que la société impose, un monde qui nous propose sa vision, éclairée, de l’omniprésence de son troisième œil à l’omniprésence de son cri d’amour aux femmes. Rencontre d’un peintre singulier.

Né dans un village aux portes d’Essaouira, à El Hanchane, vendeur d’épices subjugué très tôt par les couleurs ; autodidacte ayant très peu été à l’école. Il est né dans une famille, entouré par sa mère et ses sœurs. Très tôt il se passionne pour la peinture, on ne sait si c’est la palette des pigments ou des épices : de la robe carmin cuivrée du paprika, au violacé du safran au jaune orangé du curcuma qui l’ont inspiré ou si c’est sa vision précoce d’un monde parallèle, d’une conscience de soi éclairée, d’une aura particulière…

Transcendance et vision chez l’artiste Ben Malek

Ce serait ne pas être attentif que de passer à côté de l’omniprésence de l’œil dans la peinture de Ben Malek. Pour lui, cet œil en plus c’est, dit-il : "ma rage, mon inspiration". Ce "troisième œil" qui existe réellement et nommé par les scientifiques la glande pinéale ; a fasciné toutes les cultures, toutes les mythologies, les spiritualités, les ésotérismes. C’est l’œil de l’âme, de la conscience de soi pour le bouddhisme, l’œil des visions. En Inde il est appelé jnana chakshu, l’œil de la connaissance, localisé au milieu du front c’est pourquoi les saints sont représentés avec un point ou une marque sur le front à cet effet. Dans l’Egypte antique, il s’agissait d'un symbole protecteur représentant l'Œil du dieu faucon Horus.On cherche à accéder à cette vision par le Troisième œil dans le yoga.
Mais Ben Malek se défend d’interprétations religieuses. Oui c’est lié au spirituel, au passage d’un monde à l’autre, à la vision de choses différentes comme cela peut être le cas aussi par le biais de la transe. Il nous confie que l’œil c’est aussi son regard sur la toile au fur et à mesure qu’il peint et qu’à un moment il le sent, le perçoit :"ce n’est plus moi qui regarde la toile mais la toile qui me regarde !" C’est aussi probablement cette transfiguration qui lui permet d’accéder au monde, à la sensibilité de la femme.

Ne cachez pas ce sein… Ou Ben Malek chantre d’un combat féminin malgré lui

Les femmes, leurs corps, leurs seins sont aussi très présents dans les tableaux de Ben Malek. Amoureux des femmes et de leurs corps ? Peut-être, sûrement. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, la façon qu’a le peintre de mettre en scène le corps de la femme pourrait parfois laisser penser que c’est une femme qui peint. Lorsqu’on l’interroge, on comprend bien vite ; qu’un désastre a violenté la femme dans sa beauté, sa féminité, sa fécondité ; dans son enfance. Au milieu des couleurs et de la joie éclatante –Ben Malek nous chuchote que le malheur ne doit jamais se transmettre aux autres- parfois les seins sont manquants, atrophiés ou disproportionnés. Deux des femmes de sa vie, sa mère, sa sœur, atteintes toutes deux d’un cancer du sein, dont la plus jeune a succombé. De cette déchirure, Ben Malek garde l’empreinte et pendant longtemps les seins l’obsèdent, la féminité en devenir de sa sœur mutilée par la maladie, il la multiplie pour rejeter sa peine. "Je n’arrivais pas à faire autrement, je faisais des seins partout". Rarement on a pu sentir chez un homme une telle sensibilité, une telle empathie, une telle fusion avec le destin de la femme face à cette maladie. Et si Ben Malek se refuse à communiquer sa souffrance, laissant les pigments " couvrir " les traces de cette blessure de leur joie colorée, elle demeure en filigrane dans presque toutes ces œuvres.

Le peintre au Souk

Si depuis 2004, sa carrière a pris un nouveau tournant et qu’il a exposé dans plusieurs villes du Maroc, de Laâyoune à Casablanca ; voire hors des frontières aux Canaries; ce qui touche chez Ben Malek c’est cette simplicité, cette humilité non construite, non travaillée, quand il vous propose de venir à Al Hanchane le visiter, voir son atelier ou acheter des épices ; on sent bien qu’il n’y a pour lui aucune distinction entre ces deux mondes. Digne représentant de l’école d’Essaouira, et riche de sa singularité, vous pouvez découvrir ses toiles Galerie Damgaard ou dans son atelier, autour d’un thé, d’épices et certainement dans un autre monde ; celui de Mostafa Ben Malek.

Texte et photo Nathalie Perton 

Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
14 septembre 2015

Galerie d'art Frédéric Damgaard

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