Maâlem Kasri s’exporte hors territoire gnaoua

Festival Arabesques
Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
23 mai 2015

S’il est un exode qui puisse avoir un sens familier pour le plus lyrique des maâlmine gnaoua, c’est bien celui des arabesques ; ces ornements que l’on retrouve dans les décorations des architectures mauresques. C’est à Montpellier, au festival du nom des dites décorations que notre Maâlem Kasri clôturait cette manifestation artistique riche, activiste et citoyenne.

Arabesques : Le plus grand festival d’Europe dédié aux arts du monde arabe

Créé en 2006 par les fondateurs d’Uni’Sons, respectivement d’origine marocaine et algérienne, le festival a pour volonté de faire accéder à tous à la culture via les arts : musique, conte, théâtre, expo, danse, calligraphie. Passant désinvoltement de 1500 adeptes à 40 000 en dix ans, Arabesques a ouvert sa 10ème édition du 12 au 24 mai, à Montpellier et dans l’Hérault. Une manifestation autour des joyaux que charrie la Méditerranée et qu'elle a en partage. Et de Zebda à Mashrou’ Leila (Liban) en passant par un hommage à la quatrième pyramide: Oum Kalsoum, issue de l’Institut du Monde arabe et mêlant photographies, séquences sonores, costumes de scène, conférences le festival offrait une programmation époustouflante. Arabesques ce sont aussi des projections : "Les Bad girls des musiques arabes" avec Jacqueline Caux, les contes d’Ali Merghache, des espaces de jeux, des ateliers et une très belle exposition intitulée Les Chibanis, portraits de Luc Jennepin et donnant vie à ces visages anonymes de l’immigration. Et bien sûr de la musique : Driss El Maloumi, virtuose du Oud, concertiste et compositeur (entre autres du film : "La source des femmes") ; la danseuse Nesma et la troupe Al Andalus, l’orchestre de l’Opéra du Caire, N3distan (électro rap et poésie arabe) ; Orange Blossom, Nass El Ghiwane...

Chants classiques afghans, jazz ou électro-world ; Kasri ne se refuse rien !

Si les Gnaouas ont enchanté les rues de la ville dès le 20, c’est l’un de nos maâlems : Kasri qui fût mis à l’honneur sur scène, ambassadeur de notre tagnaouite. Et Kasri de déroger à la règle selon laquelle nos maâlmines sont accoutumés au luxe de recevoir leurs hôtes internationaux pour des fusions en terre gnaoua. Il y a quelques jours, le grand Kasri se produisait sur deux scènes et à deux moments du festival gnawa d’Essaouira en "fusion" comme le protocole du festival gnaoua l’impose. Mais c’est à un maître Afghan à qui Kasri était venu se frotter: Humayun Khan, à la voix spirituelle et envoûtante de poésies perses ; le guembri fricotant avec l’harmonium et le répertoire gnaoua tissé aux ragas indiens. Si la première fusion lors du concert d’ouverture à Moulay Hassan nous avait quelque peu laissé sur notre fin, la seconde le 16 mai, scène de la plage fût transcendante de qawwali flirtant à la tagnaouite et qualifiée par tous de: spirituelle et magique. C’est que l’art de la fusion est un art subtil et délicat. Hamid El Kasri n’en est toutefois pas à sa première, lui qui rencontrait en 2004 Joe Zawinul et déjà en 2011 Humayun et Shahin Shahida. Amid El Kasri, rappelons-le est né en 1961, dans le nord du Maroc. Formé avant l’adolescence par les maâlemine Alouane et Abdelouahed Stitou, sa conversion à la tagnaouite lui vient du mari de sa grand-mère, ancien esclave soudanais. Kasri doit sa singularité et sa popularité à sa tessiture vocale proche du style moyen oriental et atypique chez les gnaouas. Il jouait le 24 au Domaine d'O et 

Orange Blossom, ou les impertinences électro-égyptiennes précéderont à Kasri... Et pourquoi pas rêver d’une fusion ?

De folie et de maîtrise ; le groupe français s’enivre, des classiques jordaniens ; de l’acoustique à l’électro en passant par la frénésie des percussions, le groupe a une richesse, une densité, une recherche qui pourrait laisser présager d’une belle fusion avec Kasri ! Pour vous mettre l’eau à la bouche ; Orange Blossom (fleur d’oranger) est composé par le batteur et percussionniste Carlos Robles Arenas- mexicain nomade- Pierre-Jean Chabot au violon et Hend Ahmed, la chanteuse égyptienne. Orange blossom c’est une sorte d’élixir d’influences électro acoustiques renouvelées dans leur dernier album "Under The Shade Of Violets". Une piste de fusion pour la prochaine édition? Si Karim Ziad nous lit… Kasri s'exportera ensuite au festival de Fès des musiques sacrées décidément notre Kasri s'exporte bien!

Texte Nathalie Perton
Photo  

Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
23 mai 2015