Les artistes d’Essaouira à l'Institut du Monde Arabe

L’un des dix événements culturels parisiens de la rentrée sera (en partie) Souiri
Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
13 octobre 2014

Les artistes d'Essaouira travaillent, sont reconnus et élus parmi ceux qui composent le Maroc artistique contemporain. A ce titre, quatre souiris ont été choisis par l'Institut du Monde Arabe à Paris ! Made in Essaouira a interviewé Mr Moulim el Arroussi, commissaire associé de l'exposition "Le Maroc contemporain".

Du 15 octobre au 1er mars 2015, ce sont trois mois que l’IMA (Institut du monde arabe) consacrera au Maroc contemporain. Au programme : une exposition sur 2500 m2 qui présentera le travail de 80 artistes plasticiens, des spectacles de musique (musique traditionnelle, savante, rap, hip-hop), de danse, des conférences, du cinéma. C’est aussi un lieu d’échange et de réflexion avec une tente saharaouite dressée sur le parvis de l’IMA. Pour nous éclairer : Mr Moulim El Arroussi a répondu aux questions de Made in Essaouira... Comment l'art souiri se révèle être un art qui va bien au-delà des limites locales, légitimé en tant qu'art contemporain ?

Made in Essaouira : Mr El Arroussi, bonjour et merci de répondre à nos questions. Vous êtes critique d’art plastique, professeur de philosophie écrivain et commissaire d’exposition depuis 1985, comment a émergé l’idée de cette exposition ?

M. El Arroussi : La naissance de l’exposition doit beaucoup à Jack Lang. C’est lui, après avoir été nommé à la tête de l’Institut du Monde Arabe- et étant donné sa relation très particulière avec le Maroc- qui a proposé au Roi Mohamed VI de célébrer le Maroc Contemporain d’une manière exceptionnelle en France.

MIE : Y avait-il une volonté de faire naître cette exposition en même temps que celle du Maroc Médiéval au Louvre ?

M. El Arroussi : C’est le Louvre qui avait le premier proposé de faire l’exposition sur le Maroc Médiéval, Jack a été nommé après et il a profité de ce moment pour proposer le Maroc contemporain.

MIE : Quatre peintres souiris seront présents à l’exposition : Mohamed Tabal, Saïd Ouarzaz, Houssein Miloudi et Mohamed Zouzaf ; pourquoi les avoir choisis et en quoi correspondent-ils à la contemporanéité que vous souhaitiez mettre en exergue ?

M. El Arroussi : Par apport aux deux artistes Ouarzaz et Tabbal c’est plutôt pour montrer comment, même sans le contact avec un art venu d’ailleurs, le Maroc avait pu produire des artistes qui interrogent l’imaginaire d’une manière particulière. Zouzaf quant à lui, établit une relation très particulière avec le patrimoine de sa ville et de son pays. Il prend à sa charge des signes et des symboles que la civilisation technologique a tendance à vouloir uniformiser et standardiser. Hussein Miloudi interroge son vécu personnel d’une manière très particulière. Ainsi ces artistes souiris se sont insérés naturellement dans notre écriture de l’exposition.   

MIE : Pouvez- vous nous préciser pourquoi c’est eux que vous avez choisi, en quoi ces artistes souiris apportent-ils quelque chose de plus, de différent ?

M. El Arroussi : Ils apportent une touche très particulière. Nous avons deux artistes de l’art brut, un artiste qui travaille sur le patrimoine et un artiste qui explore l’imaginaire d’une manière particulière. Même s’ils sont différents, les uns des autres, une magie particulière les lie tous les quatre ; la magie de ce lieu enracinée dans l’histoire dont les échos reviennent de très loin de l’Afrique, de la Méditerranée et de l’Atlantique. D’ailleurs parmi les artistes vous avez oublié Najia Mehadji, franco marocaine et résidant en partie à Essaouira.

MIE : Oui c’est l’artiste qui a travaillé sur le mythe d’Icare et engagée contre les violences de guerre, effectivement. Pouvez- vous nous dire quelques mots au sujet de votre collaborateur et commissaire français de l exposition?

M. El Arroussi : Jean-Hubert Martin est une grande figure de l’art en France et dans le monde. Il a été le concepteur et l’organisateur de la grande exposition " Les magiciens de la terre ", à laquelle avait participé d’ailleurs feu Lakhdar Boujemâa, l’artiste souiri. Il est connu surtout par son courage à vouloir pousser les frontières de l’esthétique au delà des limites européennes.

MIE : Dans une interview donnée en Juillet à Libération Maroc, alors que l’on vous interrogeait sur la dimension du " regard de l’autre " et des préjugés de certains publics qui s’attendraient - peut être - à des tableaux " orientalistes " ou teintés de folklore, vous répondiez justement que Jean Hubert Martin lors de l’exposition " Les magiciens de la terre " avait pris le risque de bousculer les esprits. Vous ajoutiez : " Il y a un public qui ne vient pas dans les expositions parce qu’on continue à lui proposer ce qui a été fait précédemment. Il faut savoir bousculer les mentalités et créer des ruptures. Il ne faut surtout pas avoir peur de l’innovation sous prétexte de garder un public en allant toujours dans la direction de son goût. Notre manifestation sera aussi un véritable exercice de l’altérité. " Est-ce aussi en cela que l’exposition est " contemporaine " et novatrice dans sa volonté de toucher un autre public ? Mr Jean Hubert Martin affirmait que : "  la volonté de Jack Lang est d’ouvrir l’Institut du monde arabe au public des banlieues. " Qu'en pensez-vous ?

M. El Arroussi : Oui, contemporaine pour un public surtout jeune, un public qui ne viendrait pas à l'exposition uniquement parce que le mot Maroc éveille en lui la nostalgie d'une image exotique mais parce que la proposition est de qualité. Un art qui interpelle et pose les questions actuelles qui préoccupent les habitans de la terre. Ce public se trouve dans les banlieues mais il est aussi dans les grands centres urbains comme Paris, ou il est de passage en France, pour le tourisme ou les études ou les affaires.... Un public qui viendrait découvrir un art autre pultôt que l'image touristique du Maroc uniquement.

MIE : Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré et nous espérons pouvoir venir à cette exposition sur le Maroc contemporain.

En attendant, pour ceux qui souhaitent les découvrir ou auraient besoin de revoir leurs classiques nous vous conseillons la lecture d'ouvrages documentés sur le sujet disponibles à la médiathèque de l'Institut Français d'Essaouira, vous pouvez également visiter l'emblématique Galerie d'art Frederic Damgaard à Essaouira.

Texte Nathalie Perton
Photo DR 

Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
13 octobre 2014