Le "Haïk" : tenue d'antan, déco d'aujourd'hui

TENDANCES
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
2 août 2014

Tissé main et long de plusieurs mètres, en fibres de coton, de laine ou de lin, le "haïk" traditionnel sert aux femmes pour se vêtir en toute pudeur, ainsi drapées pour voir sans être vues. Si il disparait peu à peu des garde-robes, et des rues d'Essaouira, il n'en devient pas moins à la mode, et ceci grâce à une reconversion très "déco".

Les femmes marocaines sillonnant les ruelles de la médina le long des remparts, couvertes de leurs haïk blanc : voici une des fameuses images typiques que l'on peut voir encore à Essaouira, mais en cartes postales surtout. Le haïk est aussi une silhouette, une allure féminine à ce point locale qu'elle porte en elle les valeurs d'authenticité, même si elle n'a rien d'un folklore. Longtemps, le port de cette tenue aura justement véhiculé l'image d'Essaouira comme une cité proche de ses traditions. Il est vrai que les codes vestimentaires des habitants signalent aussi à leur façon la proximité d'une ville avec ses coutumes. La djellaba nationale reste ici majoritaire et détrône certainement les paires de jeans, mais le haïk quant à lui, n'est quasiment plus porté.

Nouée à la taille par un lien, l'étoffe d'une longueur de 5 à 6 mètres couvre et entoure le corps entier ainsi que la tête, libérant un drapé dans le dos. Maintenue par la main devant le visage, elle ne laisse ainsi voir, selon la tradition, qu'un seul des yeux de celle qui le porte. En bordure, des fils noués ou de petits pompons, voire quelques lignes colorées, dessinent le contour de ce grand rectangle de tissu blanc, noir, marron ou écru. 

Les vendeurs de vêtements traditionnels et de tissages, basés dans l'avenue principale des souks de la médina d'Essaouira, ou les tisserands eux-mêmes dans leurs ateliers, proposent des haïk à la vente. Solide et durable, son prix varie selon la longueur et la matière dans laquelle il est tissé, allant de cent à plusieurs centaines de dirhams par pièce. Vous en trouverez de plus anciens également chez les antiquaires ou sur les brocantes et ventes aux enchères d'Essaouira .

Une deuxième vie, en jetée de lit

 Aujourd'hui, l'usage du haïk s'étend à la décoration. On le retrouvera par exemple employé en guise de rideau, de voilage intérieur, sur le baldaquin d'un lit ; ou encore sur une grande table à la manière d'une nappe. Dans sa version de coton fin et blanc, flottant au vent, il donne une touche naturelle et douce aux pièces de la maison, chambres ou salon. En laine, plus chaud et plus épais, il fera très bien office de jetée de lit ou de canapé, pour des assises bien douillette et des pieds bien au chaud.

Lourd ou léger, sombre ou clair, il drape les intérieurs et habille les maisons de tons poudrés comme il l'a toujours fait pour les femmes du Maghreb. Une reconversion qui a au moins le mérite, on l'espère, de faire tourner les métiers à tisser et perdurer l'activité des tisserands, sans qui toute cette étoffe ne serait possible. Ainsi le haïk, si il a souffert de l'évolution des modes vestimentaires féminines, semble avoir encore quelques belles années devant lui. Donc ne vous en privez pas, pensez cadeaux et cocooning, car les matières naturelles restent toujours en vogue.

Texte Alice Joundi
Photo Riad Baladin, Essaouira.

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
2 août 2014