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Gestion des déchets à Essaouira : nos inquiétudes, nos espoirs

COUP DE GUEULE
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
4 septembre 2015

Difficile d’aborder la question sensible de la gestion des déchets quand sa ligne éditoriale consiste à mettre en lumière les belles et bonnes choses qui font le sel de notre vie à Essaouira. Si j’aborde le sujet malgré tout c’est non sans espoir bien évidemment, celui fondé qu’Essaouira se distingue également un jour, prochain, par sa politique environnementale.

Piquée au vif quotidiennement par certains comportements qu’on jugerait volontiers d’inciviques à l’égard des espaces communs, triste aussi de constater combien la désinvolture doublée de résignation habite parfois les esprits, et par ces temps électoraux chargés de promesses, il me prend d’espérer qu’à Essaouira on prenne bientôt à bras-le-corps la question épineuse, certes, mais non moins soluble des déchets ménagers (entre autres bien sûr, on ne peut pas non plus s’attaquer à tout en même temps). Des gravats dans la forêt aux sacs plastiques et emballages qui volent et s’échouent dans nos rues, sur nos plages, dans nos cours et jardins : le problème est visible et nous concerne tous. Mais dans une ville à taille humaine telle que la nôtre il pourrait aussi bien être rapidement endigué, plus vite certainement qu'on ne le pense. Et si… Et si Essaouira devenait aussi un modèle en matière de gestion de l’environnement ? 

Quand un enfant jette sans ciller parterre son papier d'emballage, face à nos remarques ils imposent du haut de ses trois pommes la lucidité implacable des plus observateurs d’entre nous : "Y’a pas de poubelle !". On devrait se résoudre à l'idée que la vérité sort bien souvent de la bouche des enfants. Certes ils pourraient marcher 50 mètres pour déposer son papier gras et sucré dans la benne quartier, déjà pleine à ras bord des ordures ménagères (car nos voisins savent aussi avoir bien des égards pour la propreté de nos rues), mais autant blâmer un enfant de pas avoir le goût de lire dans une maison sans livre. Bref, vous me voyez venir : si déjà les infrastructures le permettaient on aurait quelques soucis en moins. Mais : pas une poubelle sur la place de mon quartier, pas plus que devant l’épicier du coin, pourtant premier fournisseur non officiel en papiers gras de la rue.

 

"Plages Propres" : l’exemple d’une action réussie

Et pourtant, prenons l’exemple de l’opération "Plages Propres" (merci à l’Agence Nationale des Ports au passage pour le co-financement de cette bouffée d’air estivale) qui, chaque année nous démontre à quel point l’efficacité n’est pas un vain mot ici comme ailleurs ; et que si la plage entière peut être propre à coup de gilets fluo ramassant les déchets quotidiennement, de poubelles mises à disposition (permettant aussi de jeter "où il faut" et de trier par la même occasion nos vilains déchets), pourquoi ne pas faire de même partout et toute l'année ? En gros, quand on veut on peut, alors allons-y !

 

Essaouira n’a pas le monopole de la problématique, mais un souci un plus : le vent !

Quand on a dit tout ça on a presque rien dit, on a osé s’énerver un bon coup, imaginer une solution et puis on ajouterait bien qu’Essaouira n’est qu’un petit exemple parmi d’autres malheureusement. Car sur notre planète et à d’autres échelles démesurément plus grandes, la gestion des déchets est un vaste programme. Notre petit souci à nous, celui que d’autres n’ont pas, c’est le vent (souci qui n’en est un que du point de vue des objets polluants identifiés et de certaines femmes adeptes de la mise-en-plis, entendons-nous bien). Le vent, donc, qui balaie la ville du nord au sud et propage allègrement ce que nous jetons ailleurs que dans des poubelles jusque sur les plages, dans les arganeraies et autres sites naturels abandonnés de tous sauf des chèvres et des moutons et de leurs valeureux bergers - qui n’avaient pourtant pas commandé votre sac plastique pour le menu de son troupeau. Alors, si un jour la question venait à se poser, il faudrait aussi prendre en compte ce méchant paramètre, au risque de déplacer le problème… un peu plus loin.

 

"Baraka Men Zbel" ! Pourquoi est-ce aux associations de s’en charger ?
 
Impossible d’aborder la question sans rendre hommage à l’association Baraka Men Zbel ("Ca suffit les déchets") dont les volontaires s’engagent depuis plusieurs mois à Essaouira pour le ramassage des déchets, drainant dans leur sillage de nombreux habitants à qui il a suffit de montrer ce que la motivation et des grands sacs poubelle pouvaient faire pour leur donner l’envie de nettoyer leur quartier. Si une association a mené brillamment l’opération à chaque fois que nécessaire, comme d’autres l’ont fait hors saison sur nos plages avec la Surf Rider Foundation par exemple, il serait temps peut être de confier pleinement le problème à nos élus locaux et leurs partenaires ? A bon entendeur… Il semblerait que l’association ait justement commencé les démarches; on les soutient à 100 % bien sûr. 

 

La prévention : mère de toutes les solutions

Et si au lieu de blâmer tous les jeteurs il ne nous restait plus rien à jeter ? Ah, le rêve de l’infini recyclable… Mais en quelques gestes tout de même on pourrait aussi se poser la question de réduire la consommation de produits emballés (vive les produits frais), de sacs plastiques (vive le panier), de bouteilles en plastique (vive l’eau du robinet), de produits ménagers (vive le vinaigre, et oui), en bref : prendre conscience et agir, un peu. Mais tout cela n’aurait pas d’intérêt si nous ne somme que deux (vous et moi) à s’y mettre. Alors pas de politique environnementale sans prévention, pas de prévention sans éducation, c’est bien connu. L’opération "Plages Propres" une nouvelle fois sait y faire pendant les mois d’été sur l'ensemble du littoral marocain, d'autres agissent toute l'année auprès des plus jeunes et de leurs familles, l’enjeu est de taille mais les moyens sont connus, l’éducation en premier lieu demeure le plus durable et le plus efficace d'entre eux.

 

Et si la notoriété d’Essaouira dépendait aussi de sa politique environnementale ?

Alors que de nombreux projets structurants voient le jour et s’accomplissent depuis des années, aussi bien sur le plan culturel qu’urbanistique dont les chantiers de mise à niveau ne se compte plus (la liste est longue et nous sommes là pour en témoigner), je rêve -oui je rêve- d’un plan d’action écologique, de brigades vertes sillonnant la ville et ses quartiers, visant aussi bien à éduquer la population qu’à l’encourager à anticiper sur ce que devient un jour sa bouteille de shampoing une fois vidée de son contenu odorant. Et pourquoi pas ? Ne rêvons pas, allons-y.

Essaouira pourrait (devrait ?) sur ce plan se distinguer. Elle qui jouit d’un emplacement entre mer et forêt et d'un patrimoine naturel et historique hors du commun aurait tout à y gagner : qualité environnementale, qualité de vie, valorisation touristique d'une ville, de sites naturels et plus largement d’une destination. Une ville qui aurait osé affronter la question par des démarches concrètes et durables au service du bien être de tous. 
Tout cela pour dire combien j’aime ma ville et ma région, que je lui souhaite le meilleur, que je l’en crois capable et je ne pense pas être la seule.

 

Texte et photo Alice Joundi.

 

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
4 septembre 2015