Exposition à Essaouira : Maroc contemporain et religion

photographie
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
25 novembre 2012

Cette exposition comprend 50 œuvres photographiques réalisées en 2011 et 2012 à l’occasion de trois résidences d’artiste effectuées au Riad Denise Masson sur l’invitation de l’Institut Français de Marrakech.

Lieu propice à la réalisation de ce projet, le riad est l’ancienne demeure de « la Dame de Marrakech » (1901-1994), qui fut le fervent soutien de « la compréhension fraternelle » entre les religions monothéistes et l’auteur d’une traduction du Coran de l’arabe en français (La Pléiade, 1967).

« Au long de mes séjours au Maroc, grâce à des rencontres avec de nombreux religieux et intellectuels, j'ai bénéficié d'un accès unique aux lieux de culte des trois religions, qui m'a permis de documenter rites et monuments. On découvrira entre autre : la mosquée de la Koutoubia, la zaouïa de Sidi Bel Abbès qui abrite le tombeau du saint patron de Marrakech, la prière du matin à la synagogue du mellah de Marrakech, la messe dominicale à l'église d'Essaouira, les vêpres au monastère melkite de rite catholique oriental de Tazert.

Ces photographies témoignent de l'histoire du Maroc comme lieu de rencontre des trois religions monothéistes aujourd'hui présentes sur son sol.
Je remercie très vivement toutes celles et tous ceux qui m'ont accordé leur confiance et participé à la réalisation de ce projet.
»

Anne de Henning, Marrakech, octobre 2012

Voir les monothéismes, par Ali Benmakhlouf, philosophe, professeur des universités, Paris

Différents régimes de lecture président à l'interprétation des textes sacrés. Par le recours à la métaphore et plus encore à l'équivoque, beaucoup d'exégèses ont montré comment ces procédés permettaient d'organiser autour des textes sacrés des liens, non seulement d'interprétation mais aussi de vie : l'équivoque permet le contact au sens fort car il donne à entendre la parole de l'autre comme une parole possible et pleinement légitime, autorisée. En prenant l'exemple de la figure de Jésus dans la mystique musulmane, on peut voir comment Jésus peut être considéré à la fois fils de Mariam, comme figure liée à l'ange Gabriel et comme esprit divin : homme, ange, Dieu, on a la toute la latitude de lecture métaphorique à effet équivoque.

Equivoque, métaphore mais aussi une analogie qui réalise ce passage interprétatif de l'oral à l'écrit. A explorer la notion de révélation, l'ancrage semble être l'héritage abrahamique. La révélation, à partir de signes, n'est pas immédiate, mais s'inscrit dans l'histoire, celle où se réalise l'alliance avec un peuple particulier, le peuple juif et Dieu. Si elle est verbe de Dieu fait chair dans le christianisme, elle ne consiste pas en un livre ni en une parole sacrée, mais en faits et gestes du Christ proposés à l'imitation. Et si le Coran est dicté au prophète Mohammed par l'ange Gabriel, la part historique est loin d'être négligeable : de nombreuses sourates parlent de la cité des hommes.

Tout ce qui se dit sur la religion se dit dans l'oubli que les prophètes ont parlé et non écrit et qu'ils se sont adressés à un public qui connaissait peu l'écrit. Or, la parole est devenue texte selon un processus historique qui a vu se constituer la religion comme un corpus. C'est l'intervention d'une autorité dans l'histoire (Eglise, pouvoir du califat, Synagogue) qui a occulté le lien entre le corpus religieux et la forme des premières énonciations d'un Mohammed ibn Abdallah ou d'un Jésus de Nazareth. La tâche difficile est de chercher à restituer un climat de parole pour comprendre comment émerge un nouveau système de croyances.

Il faut donc bien reconnaître que l'adhésion à une communauté religieuse est un fait culturel. La question du sens se laisse interpréter par l'observation des pratiques : prières, fêtes, enterrements, lois de l'héritage sont comme ces toiles que l'on tisse et auxquelles on se suspend comme dans un hamac. Du point de vue des sociétés contemporaines, il faut bien reconnaître aussi qu'il y a un enchevêtrement de différences et de similitudes sur fond de textes abrahamiques, « marqueurs d'identité » (P.Ricoeur).

« Comparer sans égaler » disait Montaigne, mais « comparer l'incomparable » selon l'expression de Marcel Détienne pour produire du comparable. Les photos d'Anne de Henning participent de ce travail.

Alliance Franco-Marocaine d'Essaouira.

 

 

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
25 novembre 2012

    Institut Français d'Essaouira

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