Essaouira : une cité tournée vers le sud

course d'orientation
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
22 octobre 2012

Sur sa presqu'île sablonneuse, Essaouira en a fini avec l'océan pour unique horizon. Reliée par la terre et les airs au reste du pays et de son continent, la Perle de l'Atlantique croît à vue d’œil et s'étend peu à peu désormais vers le sud. Oui mais jusqu'à quand et jusqu'où ? Cachez ce bulldozer que je ne saurais voir...

En misant tout ou partie de son développement (touristique) sur des atouts non seulement culturels mais aussi environnementaux (forêt et océan), Essaouira est en proie à un paradoxe de taille : comment concilier l'inévitable extension de son pôle urbain et le respect d'un cadre naturel devenu son principal atout ?
Une problématique au cœur de laquelle Essaouira tente de redessiner les contours d'une agglomération en devenir. Et quid de la vision à long terme qui oriente les décisions prises aujourd'hui ? Contentons nous d'être les spectateurs d'une progression de la ville, jusqu'à ce qu'un jour (qu'on ne souhaite guère) l'ancienne médina et la nouvelle Essaouira ne fassent plus qu'une.

Il n'y a certes pas 36 chemins...
L'équation est pourtant simple et ne date pas d'hier. Positionnée sur un rocher surplombant (de peu) l'océan, Essaouira est cernée au nord par les plages sablonneuses, à l'est par une forêt à la fois protectrice et nourricière, et à l'ouest par l'océan que seules les îles purpuraires séparent de la cité.
Alors que le Haut Commissariat des Eaux et Forêts en charge de la lutte contre la désertification protège plutôt efficacement la ceinture verte à l'est, et que les quartiers nord sont menacés d'ensablement faute d'avoir décemment entretenu les dunes devenues mobiles (Cf. Libération du 12 Septembre 2012), c'est donc vers le sud que la ville se tourne et s'étend.

Au sud : que du nouveau
La diagonale ainsi tracée, Essaouira n'a donc plus qu'une stratégie possible. La nouvelle ville sortie de terre, il y a de ça quelques années, continue à 10 km d'ici son extension toute bétonnée, offrant à de nombreux souiris une alternative citadine à moindre coût. Villas, appartements, cafés, et magasins de premières nécessités : la "deuxième" Essaouira est à ce jour une ville à part, neuve et sans touriste, familiale et finalement presque typique du Maroc d'aujourd'hui.

Plus proche encore de la médina, c'est à grands renforts de tractopelles que l'on a vu disparaître les derniers buissons séparant la ville du Mausolée de Sidi Magdoul. Le petit douar s'est ainsi rapidement dénudé, laissant entrevoir ces dernières semaines l'apparition des premières villas, partie visible d'un iceberg en cours de construction.

Là où se rejoignent les voies d'accès pour Agadir et Marrakech, à l'entrée de la ville (et à l'endroit même de ce qui fut autrefois la campagne), là donc, une zone résidentielle entière est en train de voir le jour, bientôt combinée à un centre commercial Label'Vie (prévu en 2014), son parking et, suppose-t-on, une flopée de voies d'accès bitumées.

A ce stade, tous les avis sont bons à prendre et les espoirs encore possibles. Si nous sommes a priori tentés d’espérer que l'opération soit judicieuse, permettant à certains de bénéficier d'un habitat neuf, spacieux et pratique à moins de 3 km de la médina, on ne peut s'empêcher de craindre l'escalade des promoteurs sur la côte sud d'Essaouira. Une évolution qui entrainerait la disparition concomitante d'un pan entier de l'écosystème de la région, lui-même protecteur de la ville contre les intempéries et l'ensablement notons-le.

Texte Alice Joundi
Photo Google Earth

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
22 octobre 2012