Essaouira : Festival Joudour, première édition

Transe et musique Soufie
Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
28 juillet 2015

Supporté par la ville et la province d'Essaouira le festival Joudour voit enfin le jour les 01 et 02 août à Essaouira. Il permettra au public de renouer avec la musique de transe soufie et surtout les institutions qui la portent, tout au long de l’année, les zaouias. Rencontre avec celui qui s’est battu pour qu’il existe, son fondateur et directeur du festival : M. Abdallah Chfira.

Racines

Joudour en arabe signifie racines et au vu de celles de Mr Abdallah Chfira, il n’est pas étonnant qu’elles lui aient insufflé l’envie de créer ce festival. "Mon grand père paternel est le fondateur de la confrérie "Nasseria" (Sidi Ahmed Ben Nasser), elle est essentiellement constituée par le samâa ; le dickr – poésie soufie-. Mais ce ne sont pas seulement mes origines qui m’ont poussé à créer le festival, c’est le constat du nombre de zaouias existantes : 18 mais pour nombreuses d’entre elles laissées à l’abandon ; 14 ouvertes mais à rénover et seulement six "animées". Les zaouias sont très importantes et l’on se doit de les faire vivre. La particularité de notre festival est d’impliquer les zaouias. Au long terme ce que nous souhaitons c’est que les zaouias qui ont été un peu délaissées reprennent vie."  

Confrérie Soufie 

Bien difficile de décrire rapidement une philosophie telle que celle que charrie le courant Soufi. Très globalement, c’est un courant spirituel et religieux par lequel les adeptes communient au travers des chants, poésies, danses et transes. C’est un courant spirituel comprenant une philosophie de vie de partage et d’ouverture, de recherche de clairvoyance avec un grand nombre d’enseignements dont la tolérance. La zaouia, rappelons- le, est le centre névralgique de la confrérie. C’est là que les adeptes se réunissent pour jouer la musique du culte, l’enseigner. Vous en connaissez certaines célèbres mais au Maroc elles sont extrêmement nombreuses. Pour les principales confréries soufies ce sont les Aissaoua et les Hamadachas, chacune se référant à un Saint fondateur : pour les Issaoua il s’agit de Shaykh al Hadi Ben Issa Assofiani el Mokhtari et pour les Hamadachas il s’agit de Sidi Ali Ben Hamdouch. Chacun possédant son répertoire de chants, prières, psalmodies… Si la confrérie gnaoua possède sa zaouia (Sidna Bilal) et est une confrérie également elle ne véhicule pas le message soufi. Par ailleurs si le soufisme peut emmener les adeptes vers une transe, extatique elle est totalement différente de la transe induite par le rituel thérapeutique gnaoua.

La Zaouia 

Ainsi que nous le rappelle Abdallah Chfira, la zaouia est plus qu’une école ou un temple, elle est "l’angle", l’angle de vision de la confrérie. Les nombreuses confréries au Maroc sont protégées par le Roi en tant que patrimoine culturel mais pas seulement car comme nous le rappelle Mr Abdallah Chfira : "au travers l’Histoire elles ont toujours eut un rôle majeur, de par leur popularité, leur rayonnement, elles ont ; plusieurs fois été au cœur de moments fondamentaux pour le pays et le Trône a toujours eu de la considération pour les zaouias, les a toujours protégées". De par l’enseignement qui y est dispensé, la philosophie de vie qu’elle enseigne, elle a un réel rôle éducatif et pacifiste de par la tolérance qu’elle véhicule en ses murs. "Un chrétien, un juif et un musulman peuvent être adeptes de la même confrérie, en cela elle communique des valeurs de tolérance fondamentales". On comprend que si sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Trône en général protègent les confréries c’est que le soufisme est une réelle réponse face à l’intégrisme : religion d’harmonie et d’ouverture. Peut être même y a t'il à réfléchir sur la stabilité marocaine en vertu de l'importance de ses confréries dans tout le Royaume. Une table ronde sur le thème des confréries soufies est prévue le dimanche 02 aout à 11 heures à Dar Souiri et devrait vous permettre de développer vos connaissances en la matière. 

La relève ?

L’on pourrait croire que si certaines zaouias ne sont pas "actives", c’est que le nombre d’adeptes décroit. Il n’en est rien. Les confréries sont extrêmement populaires, il est juste question de financement pour pouvoir les rénover. C'est en ce sens que l'association Joudour - aussi présidée par Mr Chfira- oeuvre au quotidien et tout au long de l'année afin de soutenir les zaouias et les confréries. D’ailleurs pour ceux qui ont assisté à des concerts de la confrérie Issaoua, durant le festival gnaoua à Dar Souiri par exemple, vous aurez remarqué que les adeptes sont jeunes. En effet la relève ne demande qu’à reprendre le flambeau ; comme le précise Mr Chfira "nous n’avons de cesse d’encourager les jeunes qui, eux-mêmes sont très sensibles à ces chants et cette musique ; ils ne demandent qu’à être accompagnés."

Des remerciements: ceux sans qui ce festival n'aurait pu voir le jour:

Si le directeur du festival a initié le projet et s’est battu pour le mettre en place, il a tenu à nous faire ses remerciements à ceux qui ont supporté le projet avec lui et permis à ce beau projet : le Conseiller de sa Majesté, M. Azoulay, le gouverneur Mr Jamal Mokhtatar, Le Conseil Provincial et le Conseil Municipal, les délégations provinciales de la culture et des affaires Islamiques, le Conseil Scientifique Provincial, la société Event Management et bien entendu l’Association Essaouira-Mogador et l'associaiton "Racines".
Tous ayant eu à cœur de participer au rayonnement de la culture des confréries et zaouias soufies et aux prémisses d’une démarche visant à les revaloriser. 

La programmation et les lieux, un festival ouvert à tous

Sur deux jours, le Festival Joudour nous propose une sélection exigeante et singulière, de quoi nous ravir et nous proposer un voyage dans l’univers du lyrisme et des chants sacrés Soufis car outre la (re) découverte des confréries locales régionales et nationales, (Issaoua de Fès et d’Essaouira, Hamadchas), la confrérie Ghazaoua et Derkaouia Boudchichia , nous pourrons entendre la "Troupe Princière de Mogador", présidée par Abdessamane Amara directeur du conservatoire d'Essaouira, "l’Ensemble Mogador" présidé par Ahmed Elkaab ; mais aussi des formations d’envergure internationale, ainsi le NCA Soufie : groupe National du Collège des Arts Soufis de Lahor, Pakistan, Mohammad Zafar Iqbal, Karima Skalli accompagnée de l’ensemble Rachid Zeroual, flûtiste virtuose, l'ensemble Rahoum Bekkali de Haddra Chaounia…Les lieux seront bien évidemment les zaouias, des plans indiquant les itinéraires devraient être remis au public pour s’y rendre. Les concerts auront également lieu Place El Menzeh et à Dar Souiri. Bien entendu c’est un événement ouvert et gratuit dans l’optique de rendre accessible la musique, la culture Soufie.

Le programme est disponible dans nos pages. 

Texte Nathalie Perton

Nathalie PERTON
Editor Made in Essaouira
28 juillet 2015