Essaouira : des noms de rues, comme des tribus

Histoire
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
27 novembre 2013

La fondation d'Essaouira remonte à la fin du 18ème siècle. Le peuplement de la ville orchestré par le pouvoir en place fut à l'origine de sa richesse culturelle. La méthode initiée à l'époque, réunissant volontairement des populations et savoir-faire venus de toutes parts dans le seul but de fonder une cité prospère, ne trouve pas son équivalent au Maroc. Un "esprit de pionnier" unique en son genre qui reste aujourd'hui gravé dans les murs de la ville.

Le Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah a fondé la ville d'Essaouira et son port dans le but d'en faire  le plus grand port du Maroc, mais aussi, une cité dynamique, aux commerces riches et variés. Une ambition qui justifiait bien d'impliquer les populations locales et européennes dans toutes leurs diversités. Outre le contingent militaire, commerçants, tribus alentours, artisans et représentants religieux furent invités par le Sultan ou vinrent de leur plein grès pour peupler la ville et ajouter leur pierre à l'édifice.

Lorsqu'on déambule dans la médina d'Essaouira, les noms de quartiers et de rues peuvent parfois sembler opaques à qui ne connaît l'histoire même de la cité. Mais en creusant un peu, on découvre que les peuples et leurs groupements ici se racontent sur les pancartes et les plans.
La rue principale de la médina, allant de la place Moulay Hassan au Mellah (ancien quartier juif) porte le nom du Sultan fondateur de la ville. La rue d'Agadir rend hommage quant à elle aux centaines de soldats venus de cette ville pour protéger la forteresse d'Essaouira bâtie plus au nord. De même, le quartier "Bani Antar" qui longe les remparts porte le nom d'une tribu venue du Sud du Maroc qui gonfla les rangs des artilleurs et marins d'Essaouira au début du 19ème siècle.
Plusieurs membres de tribus du Maroc immigrèrent à Essaouira pour y tenter leur chance lorsque celle-ci s'agrandit et son commerce devint prospère. Parmi eux, les Chebanat laissèrent leur nom à la rue et la petite porte "Chbanat".
Parmi les peuples fondateurs de la ville, les plus grands commerçants furent invités et installés près du nouveau port, jouant un rôle fondamental dans la prospérité de la ville. Le Sultan invita donc les négociants réputés à venir de tout le Maroc, parmi lesquels des membres de familles juives marocaines influentes. Des juifs venus même par la suite d'Europe et d'Algérie, une rue d'Algérie à Essaouira leur rendrait d'ailleurs hommage.
Les miliciens européens et turques, bâtisseurs et combattants, constituaient un des tout premier groupe d'immigrants nommé "Alouj". Leur quartier d'habitation initial porte encore leur nom, "Derb Al Alouj", ou rue Laalouj qui accueille aujourd'hui le centre culturel de l'Alliance Franco-Marocaine d'Essaouira.

Et il en va ainsi dans toute la ville.. Des histoires à chaque coin de rue qui nous racontent Essaouira devenue grande grâce aux savoirs et talents combinés du Maroc tout entier et des étrangers attisés par sa prospérité. Une philosophie qui porte ses fruits et que l'on devrait ici réinventer chaque jour.

Texte et photo Alice Joundi.

 

 

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
27 novembre 2013