Empty Pictures : projet artistique "hors forme" à Essaouira

ART
Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
1er février 2012

L'Alliance Franco-Marocaine d'Essaouira présente la résidence "Empty Pictures", projet dont Alexandre Roccoli signe la mise en scène, et pour lequel il convie la danse, la musique, la littérature, l'artisanat local et le rituel Gnaoua à se rencontrer dans l'unique but de "faire voyager le mouvement". Rencontre avec un danseur philosophe et décryptage d’un projet aux multiples facettes.

"ICI" ("et là-bas aussi" serais-je tentée d'ajouter..) : les résidences d'artistes de l'AFME se prolongent en 2012 avec l'invitation faite au danseur et chorégraphe lyonnais Alexandre Roccoli.
Il nous raconte comment ses prises de vues et prises de sons, ses rencontres (et ressentis), issus de quelques semaines d'immersion à Essaouira ce mois de janvier, serviront de matières premières à la création d'une performance hybride.
Empty Pictures sera mis en formes (et en images) pour le public au mois de juin prochain à l'occasion du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d'Essaouira. D'ici là, Alexandre nous en dit plus sur sa démarche dans le cadre d' Empty Pictures, une production jusqu'alors bien énigmatique...

Genèse d'un projet en trois temps

Avant toute chose, si cette œuvre à plusieurs dimensions est résolument philosophique - abordant les thématiques de la mémoire corporelle et de la transformation aussi bien des matières que des identités - elle se matérialise à Essaouira et Marrakech sous une forme étroitement liée au patrimoine culturel des deux villes.
Si on demande à Alexandre Roccoli de nous traduire l'intitulé d'Empty pictures (images vides) il pose la question suivante : "comment se rendre vierge à tout contexte pour pouvoir mieux voir et apprendre ?". Autrement dit : comment adopter à un regard neuf sur ce qui nous entoure et nous façonne ? Telle est la question. Pour y répondre, il suggère d'isoler certains éléments (en l'occurrence, les gestes) de leur contexte afin de mieux les observer et d'en comprendre leurs influences.

Mais concrètement ça donne quoi ? Dans un premier temps filmer les artisans à l'œuvre pour en capter les gestes à la fois répétitifs, variés et précis, afin d'observer comment se lient corps et travail dans un processus de création.
Ensuite intervient l'autre dimension corporelle des danseurs Gnaoua "eux-mêmes issus bien souvent des corporations de menuisiers ou de forgerons" nous précise-t-il. Danseurs qui, par ailleurs, si les artisans transforment la matière, transforment quant à eux l'espace et les esprits par leurs danses et leurs musiques. Alexandre Roccolli les invitera donc à explorer les mouvements de leurs frères artisans, jouant sur les correspondances entre deux univers qu'il sortira ainsi de leur cadre.
Enfin, de son travail d'observation et d'enregistrements, il va tenter de transcrire des partitions rythmiques associées aux couleurs du rituel gnaoui, créant ce qu'il appelle un "système de jeux" qui associe espace, rythmes, gestes et enchainement chromatique. Le tout prendra forme en juin prochain lors d'une performance à l'Alliance Franco-Marocaine d'Essaouira, où les films seront projetés et les danseurs gnaoua présenteront la mise en scène d'Alexandre Roccoli.

Un musicien, un écrivain, un philosophe et un danseur

On croirait presque une fable... Pour accomplir Empty Pictures Alexandre invite Ariel Kenig, écrivain et journaliste pour rédiger les textes d'un livret "en extension du projet" ; Arandel, "musicien masqué" qui verse dans l'électro et l'exploration sonore pour une performance musicale en collaboration avec les musiciens locaux ; puis il y a Ali Benmakhlouf, philosophe et professeur, qui soutient ce projet depuis le début et accompagnera sa mise en œuvre par la production d'un conte (philosophique) centré sur la quête d'identité.

Tout un programme et beaucoup de messages sous-jacents émergent de ce projet, comme des créations en grappe qui donne naissance successivement à de nouveaux questionnements et univers à explorer. Empty Pictures, une performance imprégnée d'Essaouira à découvrir dans quelques semaines, qui devrait par la suite voyager et s'exporter en France.

Empty Pictures est une coproduction de l'AFME, l'Institut Français de Paris, l'Institut Français de Marrakech, le CCN (Rieux-Le-Pape), la Mairie de Lyon, Les Subsistances (Lyon), la Région et DRAC Rhônes-Alpes, le Riad Masson, l'Institut Français de Marrakech et l'Institut Français de Rabat.

Texte Alice Joundi
Photo Arandel

 

Alice Joundi
Editor Made in Essaouira
1er février 2012