Comment le concours de l’OFPPT d’Essaouira nargue la téléréalité des Chefs !

Si je vous dis : chinois, araignées, maryse ; à quoi pensez-vous ? Une transhumance asiatique venue avec une compagnie de vol au nom improbable goûter les fruits de mer de notre belle côte Atlantique ? Non pourtant, il ne s’agit pas de cela… Si j’ajoute : faire suer, réduire… Vous n’y êtes toujours pas ? Ce sont là, pour les premiers, des noms d’ustensiles utilisés en cuisine et pour les seconds des termes inhérents au savoir-faire de la gastronomie. Car samedi, la journée était dédiée à cet art et à celui du cocktail à l’Office de Formation Professionnelle et de Promotion du Travail (OFPPT) d’Essaouira. Si l’école (située sur l’autoroute) et le concours qu’elle propose- avec comme partenaire la prestigieuse Heure Bleue, l'hôtel Médina Thalassa Sea & Spa, les sirops Monin- ne jouit pas encore de la notoriété qu’ils méritent c’est que l’information, jusqu’alors, n’avait pas révélé l’évènement à sa mesure. Nous nous devions de le faire émerger, car il fait partie de ces moments à saisir, ces moments où l’on comprend qu’une cohésion se crée autour d’un art en émergence, moment de rayonnement pour la ville et son hôtellerie, ses belles tables, ses centres de formation et l’exaltation pour une certaine forme d’excellence encore insoupçonnée.

Un concours complètement Toqué, parrainé par les plus grandes tables d’Essaouira

N’en déplaise aux amateurs de cuisine par procuration, ceux qui se délectent du spectacle des petits plats mijotés depuis leurs fauteuils devant les émissions de téléréalité promettant l’intronisation de Chefs hypothétiques ; à Essaouira, l’école de formation des cuisiniers ouvrait ses portes chaleureusement et in situ afin de nous offrir une compétition en show room, les plus grandes tables acceptant de jouer le jeu de la compétition. Parmi les compétiteurs, les « poulains » de : l’Heure Bleue, du Sofitel Essaouira Mogador, du Médina, du restaurant Le K-rouge, de l’Océan Vagabond, du Chalet de la Plage, du Taros, de l’Hôtel des Iles ; du Ryad Mogador, du Restaurant des Remparts, le concours étant réservé aux commis et chef de partie. Dans le jury, des toques émergent : deux anciens élèves de l'Ofppt incarnent la rigueur et la qualité de l’enseignement du centre de formation: Alssam Aït Ouakrim : dorénavant Chef exécutif à l’Hôtel César Marrakech, second au concours du Bocuse d’Or et représentant le Maroc pour le trophée des Toques d’Or à Toulouse fin 2014 et Abdelmajid Britit, Chef adjoint à Naoura Barrière (Marrakech), troisième lauréat au Bocuse d’Or en 2012. Se placent également à la table du jury : le Chef de l’Océan Vagabond, JM Couriaut, ancien second au Bœuf sur le toit (Champs Élysée) et le Chef pâtissier du Fouquet's Marrakech ainsi qu’une femme, cette fois-ci pas Chef mais directrice du Médina :Mme Anselmon Fredérique.

Une organisation exemplaire et une compétition au niveau et aux ambitions élevés

Dès 8H30 le matin, il s’agissait pour les cuisiniers d’entamer la préparation de l’entrée et du plat qui les distingueraient à partir d’un « panier » de matières premières comprenant entre autres du saumon offert par Les Fumaisons d’Essaouira et du chevreau. Deux ingrédients restaient à choisir par les candidats et le thème « Saveurs d’ici et d’ailleurs » laissait présager des fusions gastronomiques à venir. Les barmen et barmaids, eux se devaient de tirer au sort un cocktail traditionnel, de l’exécuter et de proposer ensuite au jury un cocktail de leur création décliné sur le thème « Maroccan touch ».  

Alors que l’effervescence et la tension montaient pour les belligérants, l’équipe Ofppt, les organisateurs et formateurs déployaient toute leur énergie pour recevoir la presse, les invités, même les touristes de passage, pénétrant dans l’école, curieux d’assister à ce concours. Mr Abderrahim Bennani, directeur régional de l’Ofppt nous transmettait son enthousiasme et rappelait que cette manifestation avait été créée afin de mettre en relation les élèves et leurs maîtres, chefs professionnels et l’espoir qu’il nourrissait que l’évènement participe à enrichir l’art culinaire marocain. Il nous confiait également : " Notre souhait serait d’en faire un concours régional pour la région Tensifts Atlantique (Safi, El Jadida.)" À l’issue des épreuves, on ne pouvait que souscrire à cette ambition rendue légitime par la merveilleuse organisation de cette journée, l’ambiance positive et l’enthousiasme suscité par le talent des participants, propos partagés par tous les membres du jury, cuisine et bar confondus : ainsi ; Mme Anselmon Frederic, du Médina Essaouira évoquait son plaisir de constater un tel travail, une telle créativité et l’émulation qui en découlait. Jean Michel Couriaut confirmait : « C’est très motivant et prometteur pour la petite ville qu’est Essaouira de constater le professionnalisme des candidats. »

La dégustation et le défi relevé

Pendant plusieurs heures, les candidats nous ont offert une performance esthétique et gustative. Et, de l’amlou traditionnel aux ballottines bardées sophistiquées, demeurait en leitmotiv un travail incontestable, une recherche et une application qui n’avaient rien à envier aux écoles de cuisines de bien plus grandes villes. Au terme de la dégustation, et alors que nous attendions tous la fin des délibérations, nous voulions rendre hommage au travail de tous, à leur imagination, leur exigence et leurs efforts, à la façon dont ils ont relevé le défi : nous pensons au subtil cocktail oriental de Fatima Ounkir du Médina aux notes florales et épicées ou à celui du représentant du Chrysalis : mêlant les arômes de café et les saveurs traditionnelles aux accents de sellou, à Badr Khiate, ancien élève de l’Ofppt et formé par JM Couriaut pour l’Océan Vagabond et son audacieux tartare de chevreau et chèvre, la choukchouka en mille-feuilles exquise et savamment dosée du « poulain » du chef du Sofitel d’Essaouira.
Tous ont réussi l’alchimie d’une juste fusion entre la technique et le savoir-faire de la gastronomie européenne et le patrimoine ancestral de la cuisine marocaine. En cela, ils deviennent ambassadeurs du talent de notre petite ville, sans cesse plus étonnante et ambitieuse. 

Les Lauréats

Pour le premier prix cuisine : Mohammed Fadili formé par le chef exécutif Younes du Médina avec son entrée si fraiche et contemporaine de makis de saumon fumé et épinards, guacamole à la marocaine ; en seconde position : Morad Kassimi du Sofitel ; en troisième : Adil Labssir de l’Heure Bleue. Ils gagneront ; pour le premier 1500 dhms et des ouvrages de cuisine de collection (offerts par le passionné qu’est Maurice, chef et Directeur du K-Rouge ; partenaire de l’événement) ; les deux respectivement 1000 et 700dhms ainsi que des livres également. Pour le bar, les lauréats se voyaient offrir entres autres une formation complémentaire par Monin ; leur partenaire. Pour le cocktail : en première position : Mohamid Mezi de l'Heure Bleue et son impertinent double cocktail « Maroc Express » en seconde position Hafid Oghommor du Chysalis et son « café dream » que nous avions cité...

Un nouveau festival à Essaouira ? Des Rendez-vous en l’attente…

C’est à un autre partenaire que nous confions la conclusion ; M’barek Amalhenna, directeur de restauration à l’Heure Bleue, partenaire depuis deux ans de l’évènement, qui suggérait pertinemment : "A Essaouira, nous avons de nombreux festivals de musique, mais nous avons d’autres talents ; à quand un festival de la cuisine et de la gastronomie ? " À bon entendeur, gourmetteur…
Sachez, pour les déçus, que l’événement a été un succès et que l’Ofppt l’initiera encore l’an prochain, alors amateurs et gourmets, sortez de vos fauteuils et à vos agendas, car cela se goûtera tout à côté de chez vous !

Texte Nathalie Perton
Photos Laetitia Lazerges