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Clôture du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira, du 20 au 23 juin, 16ème édition

Evénement
A mouchel
Editor Made in Essaouira
26 juin 2013

Essaouira, le 24 juin 2013 – Depuis une semaine, le vent souffle. Et alors que le Maroc s’avance dans la chaleur d’été, Essaouira la singulière s’enroule dans le vent et ressort les manteaux.

De cette 16ème édition, des images fortes resteront. Elles viendront s’ajouter à l’album de ces moments magiques que nous offre le festival chaque année.

On peut citer : la puissance du Maâlem Hamid El Kasri qui a su cette année encore nous surprendre par de nouvelles approches scéniques et chorégraphiques même, l’intensité de N’neka, Mahmoud Guinea à la présence éclatante, la voix généreuse d’Eska et ses yeux brillants de larmes en quittant la ville, ce mélange d’énergie et de douceur comme seul le Maâlem Abdelkebir Merchane sait le partager avec la foule, le Maâlem Omar Hayat dont la folie scénique séduit à chaque fois, Haoussa enflammant le public de la scène Méditel, le sourire étincelant de Mehdi Nassouli lors d’une fusion gnaoua/ soul/ hip hop/ new blues avec l’inclassable N’neka, l’étincelante voix de Oum naviguant entre influences maghrébines, jazz, latinos et sahraouis…. La soirée d’ouverture était à elle seule était un voyage, une rencontre improbable entre les Gnaoui menés par le Maâlem Said Kouyou et les bédouins émiratis de Annadi Al Bahri. Cette création envoûtante et totalement originale était une première mondiale qui illustre parfaitement un des axes majeurs de ce festival, le dialogue des cultures du monde.

Le public qui s’y rassemble est d’horizons très divers, avec chaque année une présence plus forte de touristes étrangers. Forcément, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde, manifestation culturelle à la notoriété internationale, est un événement de plus en plus médiatique. Cette année, on comptait encore plus de 200 journalistes venus du Maroc, de France, d’Italie, d’Egypte, d’Allemagne, du Royaume Uni, des Emirats Arabes Unis, de Russie, de Suisse, d’Irlande, des Etats Unis, de Roumanie, et d’Australie.

Si les fusions sont la marque de fabrique du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, elles ont acquis une maturité artistique au cours de ces seize années : les maâlems sont devenus aussi musiciens, chacun imprimant sa patte à sa pratique instrumentale, de la même façon dont leur pratique de la tagnaouite peut différer selon leur personnalité.

Le plus représentatif de cette évolution vers un art scénique qui propre aux Gnaoui est sans doute le Maâlem Abdelslam Alikane. Un peu dans la même veine, le Maâlem Hassan Boussou s’impose depuis déjà plusieurs années comme le fer de lance de la nouvelle génération de maâlems, qui aiment désormais se prêter aux rencontres les plus insolites.

Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira est aussi devenu un des grands rendez-vous internationaux des amoureux de jazz. L’affiche de cette 16ème édition en a séduit plus d’un ! Samedi soir, sur la scène Moulay Hassan se sont succédés le Karim Ziad Project (ouvrant la porte au nouveau jazz africain), puis Richard Bona suivi de Maceo Parker (l'artiste le plus samplé au monde, admiré par des générations entières de Dj’s). Il faut dire que parmi les musiciens qui viennent jouer avec ces grands noms, on trouve des virtuoses tels que le pianiste Omri Mor, le batteur Marc Gilmore ou encore le bassiste Hadrien Feraud (venu pour Karim Ziad, mais qui joue habituellement avec Chick Corea).

Quant aux concerts du pianiste cubain Omar Sosa, ils resteront dans les annales qu’il s’agisse de son concert en solo –aérien et généreux- ou de la fusion incroyable qu’il a réalisée avec le Maâlem Mahmoud Guinéa.

Malheureusement, cette année encore, la liste des maâlems disparus s’est allongée (et pour paraphraser Amadou Hampâté Bâ, chaque fois qu’un maâlem meurt, c’est un pan du patrimoine mondial qui disparait). La Zaouia Sidi Bilal a ainsi accueilli des hommages véritablement habités au Maâlem Abdellah Guinea et au Maâlem Cherif Regragui.

Avec l’hommage au Maâlem Abderrahmane Paco, l'esprit Nass El Ghiwane a plané sur cette 16ème édition. L’hommage au Maâlem Paco était particulièrement émouvant puisqu’il était conduit par son vieux complice Moulay Tahar Asbahani, les propres fils de Paco, Younes et Yacine entourés du groupe Paco Ghiwane, beau symbole d’une jeunesse qui reprend le flambeau.

Cette même jeunesse qui a été au cœur du Forum citoyen (espace d’échanges et de réflexion, organisé en collaboration avec le CNDH) consacré aux « Sociétés en mouvement, Jeunesses du monde ». Dans les mutations, parfois difficilement déchiffrables, que connait notre société la jeunesse est une clef de voûte. Le forum a atteint son objectif, par la qualité des intervenants et des débats et surtout, comme l'ont relevé les participants venus de divers pays, par le ton qui révèle un état d'esprit et une disposition à la délibération, qui témoignent d'une maturité certaine de l'espace public marocain. Les jeunes ne se sont pas contentés de faire entendre leur voix, comme on dit souvent, ils ont participé aux panels et construit des réflexions et des analyses qui ont apporté des éclairages nouveaux sur les problématiques posées.

L'accent a été mis sur le caractère non évident de la catégorie " jeunesse", car il s'agit d'une construction sociale, qu'il est question de jeunesses multiples au cœur desquelles se jouent aujourd'hui des mutations anthropologiques profondes.

La question de la jeunesse a été approchée via quatre grandes pistes, l'éducation et la transmission, la culture, la politique et les modalités d'une participation active des jeunesses a l'édification du vivre ensemble et enfin, la dernière piste qui est sous-jacente à tout le reste, Internet, moteur du nouveau monde en gestation.

Karim Ghellab a débattu sans langue de bois avec Widad Melhaf et Mounir Bensalah du Mouvement 20 Février, le champion de football Lilian Thuram Président de la Fondation de Lutte contre le Racisme qui porte son nom a fait un brillant exposé aux côtés de l'historien Pascal Blanchard spécialiste des questions coloniales. Le cinéaste syrien Rami Farah a lancé un appel a l'aide poignant qui a ému l'assemblée, tout comme l'a été le mot du jeune rappeur Ayman Moghames dont une lecture a été faite aux participants car l'artiste n'a pu sortir de Gaza en raison du blocus. Ayman révèle dans cette lettre que le gouvernement Hamas dans la bande de Gaza a interdit la pratique du rap mais que l'action continue grâce aux réseaux sociaux.

La deuxième édition de ce forum a une fois de plus été riche d’échanges et comme disait Jean Cocteau " la jeunesse sait ce qu'elle ne veut pas avant de savoir ce qu'elle veut".

Pour les organisateurs du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, l'art et la liberté d'expression resteront une quête permanente et continue, et la Jeunesse est autre nom de l'Avenir.

Enfin qui mieux que Will Calhoun (l’un des fondateurs de Living Colours) et le Maâlem Mustafa Baqbou (l’un des membres de Jil Jilala) pouvaient assurer le final d’un festival à leur image : atypique, aimant mélanger les styles musicaux, tout en prenant garde à conserver le sens des choses…

A mouchel
Editor Made in Essaouira
26 juin 2013