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Parole de blogueur : Anas El Filali "Chroniqueur, pas journaliste"

Internet
Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
1er juin 2011

Son blog a été élu meilleur blog de l’année aux derniers Maroc Blog Awards. Mais derrière BigBrother.ma se cache Anas El Filali, médecin, militant associatif, chroniqueur radio, et blogueur passionné.

Made in Casablanca : Depuis quand bloguez-vous ?
Anas El Filali :
Je blogue depuis le 31 janvier 2009.

Made in Casablanca : Qu'est-ce vous a donné envie de bloguer ?
Anas El Filali : C'était la période de la destruction de Gaza par l'armée israélienne. A chaque fois que je commentais une info qui s'y rapportait sur un site Français ou américain, j'étais censuré, tout en sachant que je n'insulte jamais. Cela a été le déclic qui m'a poussé à commencer.
Par contre, l'envie de partager des idées, des commentaires, d'une autre lecture des choses, est venue du fait que je me retrouvai rarement à travers les marocains qui faisaient l'actualité. Souvent, on n'est pas mieux servi que par soi-même. Et puis surtout, l'envie de créer un débat, une confrontation d'idées qui ne peut que tendre vers une évolution positive. L'envie de défendre aussi un modèle de société à la marocaine.
 
Made in Casablanca : Quels sont vos modèles de blogueurs ?
Anas El Filali : Je n’en ai pas. J'ai appris que le lecteur d’internet lit d'une façon différente, il a une lecture rapide, survole les articles, et cherche une valeur ajoutée, j’ai donc fait le choix de parler en écrivant. Ce n'est pas un style littéraire, mais plutôt un style de discours verbal.

Made in Casablanca : Trois blogs à nous conseiller ?
Anas El Filali : Euh… BigBrother.ma bien sûr, Kingstoune, et le défunt Motic, qui a vidé son blog et n'écrit plus depuis l'affaire de l'arrestation d'un blogueur.

Made in Casablanca : Votre regard sur la blogoma ?
Anas El Filali : Une blogosphère aussi disparate et hétéroclite que la société marocaine. Mais il y a deux camps : les blogueurs marocains vivant au Maroc et les blogueurs marocains vivant à l'étranger. Ce sont deux visions différentes de l'actualité du pays.
En plus, la blogoma a des temps d’ébullition et des temps d'accalmie, il y a un problème de continuité. Mais un blog, c'est une passion, et ça le restera encore pour longtemps au Maroc.

Made in Casablanca : Vous considérez-vous journaliste ?
Anas El Filali : Jamais ! Je suis plutôt chroniqueur. Je peux faire l'actualité comme la découverte des photos utilisées par le Polisario, mais rare sont les blogueurs qui peuvent être journalistes.

Made in Casablanca : Les blogueurs ont-il du pouvoir, ou de l'influence ?
Anas El Filali : Énormément et de plus en plus. Mais pour cela, la force d'un blog ce n'est pas son écrit mais surtout la résultante : la valeur de son lectorat.
Je peux vous citer plusieurs exemples que vous retrouverez sur mon blog : ma dénonciation des dessins animés koweitiens offensants pour la femme marocaine a entraîné des excuses de la part du gouvernement koweitien. Même le journal français libération.fr m'avait demandé en interview pour cela.
Le cas de la journée sans portable que j’ai créé, avec son groupe Facebook, a causé un petit séisme chez nos opérateurs télécoms qui étaient dans un lit confortable auparavant.
Et ce ne sont que deux exemples parmi tant d'autres.

Made in Casablanca : Vous avez été invité à présenter vos propositions pour la réforme de la constitution. Est-ce en partie du à votre blog et sa médiatisation ?
Anas El Filali : Bien sûr. J'étais un Monsier tout le monde qui pensait dans son petit coin ou avec ses amis autour d'un café. Maintenant, ce sont des milliers de lecteurs qui lisent, qui s'accaparent l'idée et devient aussi la leur, critiquent... Quand l'opinion publique reconnaît la pertinence des idées, il ne peut que la relayer.
Je crois que c'est pour cela que j'ai été invité à faire mes propositions à la réforme de la constitution.
 
Made in Casablanca : Savez-vous si votre blog est suivi par des personnalités, qui attendent de voir ce qu’on dira d’eux ?
Anas El Filali : J'en suis quasi-sûr. Pour qu'une chaîne nationale comme Medi 1 Tv m'invite à un débat télévisé, le 20 février et en direct, cela ne peut se faire de façon anodine.
Contrairement à plusieurs autres, j'ai fait le choix (que je me suis imposé) de ne pas toucher aux personnes mais à leurs actes ou idées. Ce qui m'importe ce n'est pas un politicien, mais plutôt son impact sur la société par exemple.
Donc, si ces personnalités me lisent, c'est probablement pour avoir des idées différentes, une autre vision des choses que de savoir ce que j'aime ou pas chez eux.

Made in Casablanca : Quel plaisir, quel intérêt trouvez-vous à bloguer ?
Anas El Filali : Quel plaisir aurais-je à parler, à confronter mes idées avec ceux des autres ? C'est surtout d'apporter une modeste et simple contribution à ce grand édifice qu'est l'humanité. Ce monde dans lequel nous vivons est la résultante de milliards de personnes avant nous. Ils l'ont bâti, nous devrions continuer.
Chacun y contribue à sa façon. Moi, je n'avais qu'un blog pour pouvoir le faire.

Made in Casablanca : Qu’est-ce qui pourrait vous faire arrêter de bloguer ?
Anas El Filali : Une attaque physique à mon encontre à cause de mes écrits, ou une mort inattendue.

-> Rendez-vous sur Big Brother.ma, le blog d’Anas El Filali

Interview Mathias Chaillot
Photo DR

Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
1er juin 2011