Nass El Ghiwane, les Rolling Stones du Hay Mohammadi

L’Hay…

Dans les années 70, le quartier du Hay Mohammadi est un véritable melting pot à la sauce marocaine, des gens venus de tous les coins du pays, avec leur dialecte, leurs traditions, leur musique et leurs croyances. Ils se sont tous retrouvés dans ce quartier populaire, réputé pour être le plus pauvre de la ville blanche pour y vivre et y travailler. Parmi eux, Larbi Batma, Boujmaa, Alal Yaala, Abderrahmane Paco et Omar Sayed, des jeunes qui se sont nourris et enrichis au contact de toute cette diversité culturelle. A une époque où la liberté d’expression et artistique n’existaient pas, ils se sentent attirés par le théâtre et finissent sur les planches de Tayeb Seddiki, dans son café théâtre, la Comédie.

Musique et liberté

Acteurs en herbe, ils ont en commun une conscience aigue du Maroc, du mal être qui les entoure et de l’injustice quotidienne. Ils aiment leur pays, sa langue, sa culture, sa musique et son folklore. Et sentent qu’ils doivent en faire plus. C'est de ce sentiment d'urgence et d'action qu'est né le groupe Nass El Ghiwane. La particularité du groupe réside dans leur musique jouée à l’aide d’instruments typiquement marocains comme le bendir, le bouzouk, le tabl, le guembri, etc., le tout dans des rythmes puissants de la tradition Gnaoua, Jilala, Aïta, Hamdacha, etc.

Rolling Stones d’Afrique

Mais la magie de Nass El Ghiwane, ce sont leurs paroles.  Des paroles en darija bien sûr, langue du marocain à travers tout le territoire. On y retrouve des influences de la poésie soufie, du théâtre (reste de leur passage sur les planches), et enfin des paroles engagées, dénonçant tous les travers et les tabous d’une société marocaine jusque là muselée. C’est pour ça que les membres de Nass El Ghiwane ont obtenu un tel succès auprès du public, du peuple et même au-delà des frontières chérifiennes. Ils ont osé parler avec pour seuls armes leurs paroles et leurs instruments. Un courage qui n’a pas manqué d’attirer l’attention et l’admiration de leurs pairs tel que Jimi Hendrix, Bob Marley ou les Rolling Stones. On raconte même que Martin Scorcese voulait utiliser une de leur chanson dans un de ses films.

La magie Nass El Ghiwane existe toujours aussi bien dans leurs chansons que dans l'héritage qu'ils nous ont laissé : un pays où la musique marocaine fusionne avec tous les horizons musicaux existants et où les jeunes peuvent enfin s’exprimer librement… ou presque.

Texte Zara Kadiri

Photo DR