Le patrimoine de Casa 2/3 : L'Hotel Lincoln

Histoire
Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
25 mai 2011

Construit en même temps que le grand marché de Casablanca, L’Hôtel Lincoln, bijou d’architecture des années 10, patiente depuis une quinzaine d’années qu’on veuille bien s’occuper de lui. Ce qui l’a tué ? L’attentisme. Ce qui pourra le sauver : le tramway.

C’est un petit bijou qui s’effondre. Construit en 1917 par l’architecte Hubert Bride, ce qu’on appelle aujourd’hui L’Hôtel Lincoln était en fait un immeuble bien plus complet, l’Immeuble Bessonot, du nom du maître d’ouvrage. Ici, on trouvait un hôtel, certes (qui a d’ailleurs changé de nom de nombreuses fois), mais aussi de vastes appartements, occupés majoritairement pas des commerçants, et de nombreuses boutiques, au rez-de-chaussée.
S’il ne s’agissait pas de l’un des plus beaux hôtels de la ville (pas de quoi faire de la concurrence à son voisin, L’Hôtel Excelsior), ce qu’il en reste nous permet tout de même de deviner un lieu agréable, avec ses lintaux en bois sculpté, comme ça se faisait dans les palais
Exemple typique de l’art néo-mauresque, il comprenait ainsi les tuiles vertes et vernis, des détails en forme de dentelle gravés dans la pierre autour des fenêtres, et des loggias dans les étages supérieurs.

Le tramway à ses pieds

Mais ce qui faisait son originalité a causé sa perte. « C’était l’un des seuls bâtiments de cette époque à ne pas être constuit en béton armée, explique Laure Augereau, de l’assocation de protection du patrimoine Casamémoire. Il y a une quinzaine d’années, une partie de l’hôtel s’est effondré, faisant plusieurs morts. » C’est le début de la fin. Abandonné, le lieu est petit à petit pillé, y compris les poutres métalliques qui tenaient le bâtiment. Et en 2009, après deux hivers particulièrement pluvieux, les murs imbibés d’eau finissent par s’effondrer. La façace était pourtant inscrite à la liste des monuments historiques. Impossible, donc, pour son propriétaire, de la démolir. Un bras de fer s’engage avec les autorités, pendant que le bâtiment croupit dans ses gravats. Appel, cassation, les collectivités remportent la bataille, et exproprient le propriétaire. Trop tard. Aujourd’hui, ce fleuron de l’art néo mauresque fait triste mine, et celui qui voudra le réhabiliter devra proposer un projet incluant sa façade. « On n’est pas obligés de tout retaper comme à l’origine, ajoute Laure, mais il y a des tas de projets inovants, originaux, qui permettent de conserver la façade tout en adaptant le lieu aux besoins modernes. »
Il ne faudrait toutefois pas refaire la même erreur une seconde fois. A chaque instant, l’Hôtel Lincoln menace de redevenir poussière. Et le tramway, qui doit passer à ses pieds, s’impatiente : ce vieux monsieur instable empêche le progrès d’avancer. Peut-être, finalement, est-ce une chance : pour faire passer le tram de Casablanca, il faudra bien qu’ils prennent une décision. Et sauvent l’Hôtel Lincoln.

Texte & photo Mathias Chaillot

Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
25 mai 2011

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