Hakima Himmich, femme au combat

Lutte contre le Sida
Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
13 décembre 2010

Jusqu’à la fin du mois, l’ALCS, l’Association de Lutte Contre le Sida organise le Sidaction, campagnes médiatiques et récoltes de dons à l’appui. Dans ses bureaux à côté du boulevard Abdelmoumen, le professeur Hakima Himmich, la présidente, nous reçoit pour parler de son combat.

Hakima Himmich pose ses mots comme elle pose ses dossiers sur la table du ministre de la santé. Posément, clairement, directement. Sans accroc ni tabou. « Il ne faut pas avoir de tabou, on parle de tout, même si on le ne dit pas comme on le ferait en Suède », explique-t-elle. Sa vie, une suite de combats qui a commencée durant ses années en France, où elle a été étudiante, interne aux hôpitaux de Paris, puis chef de clinique. C’est durant ces douze années où elle apprend à connaître les maladies infectieuses sur le bout des doigts qu’elle mène ses premiers combats, alors politiques, auprès de l’Union Nationale des Etudiants Marocains puis du parti communiste marocain, ancêtre du PPS. La préparation de l’internat l’oblige à arrêter, mais la fibre est restée. « Le combat politique et la lutte contre le Sida sont liés, c’est avant tout un combat pour les Droits de l’Homme. Et le Sida prive l’homme de beaucoup de ses droits, à la santé, au travail, à la dignité. »

Début d’un combat

Après son retour à Casablanca – où elle soigne et enseigne en milieu hospitalier, pas en privé, « question de valeurs » – elle découvre, en 1981, une première publication sur « cette maladie bizarre qui touchait les gays de San Francisco ». Rapidement, elle s’y intéresse de près, voit le mal évoluer, et participe à la Conférence de Paris sur le VIH à la fin des années 80. « Je suis revenue effrayée, convaincue que ça allait être une épidémie effroyable. » Les faits lui donnent raison. En 1986, elle diagnostique le premier cas déclaré de Sida au Maroc, le premier d’une liste qui compte aujourd’hui 5 361 noms. « Il y aurait 26 000 personnes qui ne le savent pas encore », soupire-t-elle. La flamme militante, si tant est qu’elle puisse avoir été éteinte, se ravive. Elle frappe à la porte du Ministère de la santé pour demander la création de l’ALCS et d’un Comité National de Lutte contre le Sida. Les deux lui sont accordés. « On a commencé dans une pièce, une petite structure qui vivait avec les revenus de son dîner de gala annuel. Pas facile de mobiliser, quand beaucoup pensent qu’on se bat pour une vingtaine de personnes. »

Le virage

Et en 1992, le tournant. Un responsable de 2M, sensible à la cause, joue de ses réseaux pour les aider à organiser un grand concert de 5.000 personnes à Casablanca, où quelques grandes entreprises acceptent de signer un chèque « et associer enfin leur nom à cette maladie ». Tout en continuant à travailler et enseigner au CHU de Casablanca, elle gère en parallèle l’association qui s’épanouit, pour finir, aujourd’hui, avec 60 salariés, ses 21 centres de diagnostiques et ses 5 unités mobiles, ses 350 volontaires. Depuis quelques mois, la voilà heureuse retraitée. Point de croix et promenades dans le parc pour observer les oiseaux ? « Le jour où j’ai fini de travailler, mon bureau m’attendait à l’ALCS. » Les études ornithologiques attendront. Pas les Droits de l’Homme.

Mise à jour du 22/02/11 : Hakima Himmich, en tant que membre de la société civile, a été nommée au Conseil Economique et Social le lundi 21 février. Ce conseil a un avis consultatif sur les orientations économiques et sociales du royaume.

Texte Mathias Chaillot
Photo DR

Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
13 décembre 2010

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