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Amal Chabach : "Le Maroc change profondément, il faut l’accompagner"

Sexualité
Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
18 janvier 2011

Auteur du "Couple Arabe au XXIe siècle", le docteur Amal Chabach est l’une des sexologues les plus connues du Maghreb. Entre un article dans Tel Quel et une émission sur Aswat, elle reçoit dans son cabinet casablancais des jeunes et des moins jeunes venus parler d’une question encore taboue.

Made in Casablanca : Vous êtes l'une des sexologues les plus connues du monde arabe.  Comment en êtes-vous arrivé là ?
Amal Chabach : Quand nous adorons notre métier, nous donnons forcement le meilleur de nous-mêmes. J’ai eu mon diplôme de sexologie à Paris en 2000, année où personne n’en parlait pratiquement pas. C’est un combat de longue haleine depuis ce jour là et que je ne regrette aucunement, surtout quand je vois des gens plus heureux et plus satisfaits autour de moi, après avoir compris et réglé leurs difficultés sexuelles. D’ailleurs, je n’arrête pas mes recherches pour mettre en place de nouvelles approches et thérapies en ce domaine.

Made in Casablanca : Dans une société où la sexualité est taboue, comment se pratique votre profession ?

Amel Chabach : La base de mon approche englobe plusieurs casquettes dont le médical, la psychologie, le relationnel, le religieux, le comportemental et le social. C’est vrai que je suis une scientifique de base, et donc mes patients me font confiance d’emblée, surtout quand ils se sentent écoutés, compris et non jugés.
Les tabous sont là, malgré une ouverture de plus en plus importante aujourd’hui dans ce domaine, entre autres grâce au travail soutenu et sérieux de beaucoup de médias, mais il reste beaucoup à faire. L’essentiel est de passer la bonne information, au bon moment et à la bonne dose, et ne pas exagérer un sujet qui a juste une place à prendre dans notre vie et surtout pas toute la place !

Made in Casablanca : Casa est-elle une ville en avance sur ces questions ?

Amel Chabach : Oui et non. Toutes les grandes villes, dont Casablanca, sont plus ouvertes aux activités et à l’information, mais dans ces mêmes villes existent des gens qui sont prêts a évoluer, et d’autres juste occupés à survivre. Donc, dans tout le royaume, nous trouverons existe des gens enclins à changer et à améliorer leur sexualité. Tout ce dont ils ont besoin est de savoir que cela est possible.
Le Marocain est en train de changer profondément. Comme tout bouleversement, il doit être fait en douceur et d’une manière contrôlée.

Made in Casablanca : Vous animez des émissions en radio, écrivez dans des journaux... C'est aussi votre façon de faire évoluer les mentalités ?
Amel Chabach
: Effectivement. Je suis pour l’information et je partage tout ce que je sais et que j’ai appris avec mes concitoyens et tous les Arabes du monde entier. J’amène ma graine dans cette vie avec toute sincérité et toute humilité, pour un meilleur monde. Je ferais tout pour, jusqu'à mon dernier jour. Mon prochain objectif est de traduire mon premier livre « le couple Arabe au 21eme siècle, mode d’emploi » en Arabe, pour qu’il soit disponible à un plus large publique. Je l’ai financé seule mais pour la traduction, je cherche sans relâche des sponsors.

Made in Casablanca : Votre livre s'appelle "Le couple arabe au XXIe siècle", tout un programme. Ce couple a-t-il tant évolué depuis la fin des du XXe siècle ?

Amel Chabach : Encore une fois oui et non. Oui, parce que le Marocain, femme ou homme, prend conscience de l’importance de la sexualité dans leur vie à deux, et décident de plus en plus d’agir et de l’améliorer. Mon livre leur offre quelques outils et d’ailleurs je suis en train d’écrire un deuxième. Mais la réponse est aussi non, parce que le poids de l’éducation et des traditions est toujours là et il faudrait probablement plusieurs siècles pour l’alléger… Le but est de garder les deux et de ne laisser ni l’un ni l’autre influencer le bien être de tout un chacun.

Made in Casablanca : Votre clientèle est-elle plutôt masculine ou féminine ?

Amel Chabach : Au tout début de ma pratique, je recevais exclusivement des hommes pour des problématiques urgentes, comme les troubles de l’érection. Ensuite, de plus en plus des femmes ont consulté timidement et aujourd’hui, dix ans plus tard, des couples arrivent ensemble, recherchant plutôt un épanouissement ou une amélioration de leur vie sexuelle qu’un traitement d’une dysfonction quelconque. En 10 ans, j’ai vu et j’ai assisté à l’évolution et l’élargissement de la vision sexuelle des Marocains et c’est un travail énorme qu’ils ont fait sur eux-mêmes vu le milieu où ils ont grandit, qui est imbibé de croyances, de conditionnement et de tabous sur la sexualité et sur la relation homme-femme en général.

Made in Casablanca : La nouvelle génération, qui a 20 ans aujourd'hui, semble aussi avoir une autre vision du couple, plus libre, plus tardif, plus "occidentalisé". Est-ce compatible avec la société marocaine ? L'éducation des jeunes a-t-elle évoluée sur ces questions ?
Amel CV- : Nous ne sommes pas des Occidentaux et nous ne sommes pas des pures traditionalistes. Le Marocain et l’Arabe en général est en train de se chercher et d’essayer de trouver un équilibre entre toutes ces identités. Il donnera naissance à une nouvelle identité et donc à un nouveau comportement et à une nouvelle relation. Je pense que l’évolution actuelle n’est pas du tout cadrée et des excès sont à craindre. Nous risquons de créer encore plus de souffrances et de perditions de soi… et du couple Arabe

Interview Mathias Chaillot
Photo DR

Zara Kadiri
Editor Made in Casablanca
18 janvier 2011