« A ma Bretagne », un petit coin de gastronomie, dans un coin casaoui
A Ma Bretagne, c’est l’histoire d’une Bretonne mariée à un Corse, et qui revend son affaire à un Normand. C’est l’histoire d’un petit bout de gastronomie française, perdue au fond d’Aïn Diab, qui régale les palets depuis plus de 50 ans.
A l’époque, le Morocco Mall n’était pas encore sorti de la tête des investisseurs, et Aïn Diab extension était un terrain vague ouvert sur la mer. 1943, une Bretonne et un Corse ouvrent un petit bar restaurant hôtel. Un petit truc, un peu perdu dans la campagne de Casablanca, auquel on accédait par une piste. En face, Sindibad était alors une forêt où on chassait le fenec.
Ce sera A Ma Bretagne. La Corse, on la trouve toujours sur une moitié du terrain où le titre de propriété indique « île de beauté ». André Halbert, l’actuel chef et propriétaire, était môme, il jouait et vivait juste à côté, dans le parc à huîtres que tenaient ses parents. En 1957, les propriétaires décident de vendre, et Jacques Halbert et sa femme, les parents d’André, reprennent l’affaire. Il a 36 ans, il n’a jamais été cuisinier, mais il saura donner le goût du goût à son fils. Après dix ans à parcourir la France et la Suisse pour se former, André revient finalement reprendre l’affaire familiale. A Ma Bretagne n’a de breton que le nom (et, peut-être, la vue du ressac qui s’écrase sur les rochers), mais il sera sans aucun doute un repaire de la gastronomie française.
Robert Redford & Louis de Funès
« Des choses simples, s’exclame André. Une petite purée, mais une vraie, écrasée à la fourchette et pas en flocon, ou des œufs brouillés crémeux, mélangés avec amour ». C’est ce qui fera le succès du lieu. Des plats fins (« Mais pas de truffe, c’est la seule chose qui me manque au Maroc »), des produits frais («on fait fumer notre saumon à Essaouira, on a notre propre pêcheur, le fromage de chèvre vient de Meknès. Il y a tellement de bons produits, il faut en profiter ! »), et une cuisine avec amour (« Quand je regarde Top Chef à la télé, et que je vois qu’ils ne sont même pas capables de faire une bonne persillade… »).
En 1996, André décide d’agrandir son restaurant. Il l’avance sur « l’île de beauté » mais garde sa terrasse donnant directement sur la mer. Les fidèles se pressent et reviennent, les stars défilent. Les livres d’or se ferment les uns après les autres, avec les signatures de Robert Redford, Jean-Paul Gaultier, Jean-Claude Brialy, Mobutu ou Louis de Funès. Et nous, on revient. Alors, l’aile ou la cuisse ?
Texte Mathias Chaillot
Photo DR