Bilmawen : Le Carnaval de l'Aïd à Agadir

Mascarades du Souss
Nathalie PERTON
Editor Made in Agadir
15 septembre 2015

Cela sonne un peu comme un nom anglophone ; Bilmawen/Halloween ? on n’est pas si loin ! "Bilmawen" ou "Boujeloud" ou "Buibtayen" : le carnaval d’Agadir fait sa 4ème édition ! Le carnaval de Rio c’est franchement surfait, éloigné, coûteux ! On vous propose de découvrir près de chez vous, un carnaval traditionnel et original, celui du Souss, organisé pour l’Aïd Al Adha avec une grande parade les 9, 10 et 11 octobre alors prenez vos agendas vous pouvez encore découvrir ce carnaval insolite !

Tradition partagée par de nombreuses régions du Maroc, elle est très vivace dans le Souss. Plusieurs carnavals dans plusieurs villes. La mascarade populaire a lieu lors de l’Aïd el Kebir ; Tafaska en Amazigh. Les "Bu-ilmawen" se parent de peaux d’animaux : chèvres, moutons et jouent des pantomimes et autres scènes théâtrales semant rires et frayeurs dans les rues et les quartiers. Mais comme tous les carnavals, cela se prépare des semaines, des mois à l’avance. Petit zoom sur cette tradition que nous avons en partage.

De la survivance des patrimoines culturels : la force du Souss

Pourquoi cette tradition commune à toutes les régions du Maroc est-elle méconnue dans d’autres régions et si présente dans le Souss ?
Nous avons interrogé Mr Sabir, Directeur du carnaval et ancien doyen de la faculté de lettres et de Sciences humaines, qui nous a répondu cela: "premièrement, c’est une tradition fortement liée à l’agriculture car avant l’Aïd était fêté de deux façons : religieusement comme pour tout le Royaume et de façon plus "civile" par le carnaval. Du fait que la région du Souss est très agricole, la pratique a été pérennisée. Par ailleurs, il y a dans le Souss un réseau associatif très actif dans la préservation du patrimoine et de la culture, c’est cela qui a permis la conservation et le rayonnement de cette tradition."

Une organisation bien rodée !

Pratiqué depuis des millénaires, dans les régions et les quartiers, c’est devenu depuis quatre ans un carnaval préfectoral avec des commissions pour les aspects artistiques, logistiques, financiers ainsi que pour la communication. Mr Ouahmane, Président de la fondation Initiatives et développement de la préfecture d’Inezghan-Ait Melloul accompagne les participants en pourvoyant à leurs besoins financiers des semaines en amont. Les associations doivent déposer un dossier afin d’expliquer la façon dont elles comptent participer et faire une demande de soutien pour ce qui relève de la logistique, de l'assistance matérielle et financière. Plus tard une sélection sera faite des associations présentant les plus beaux costumes et qui seront amenés à effectuer la grande parade finale le 10 octobre 2015 ! Car aujourd'hui ce ne sont plus seulement les costumes à peux de mouton ou de chèvre mais des dizaines de costumes, des groupes entiers grimés selon des déclinaisons du thème, des couleurs, des parures travaillées des mois à l'avance, des chars, des bateaux...

Le carnaval ; une tradition partagée

Mr Sabir nous explique que le carnaval fut longtemps très présent dans les régions d’Afrique du Nord et aux Canaries. Le carnaval demeure une tradition archaïque, encore pratiquée dans de nombreux pays du monde, ritualisé de façon différente selon la religion dominante. Les historiens font remonter la première apparition d’un homme masqué au paléolithique. Fête de re-création du monde, fête qui clôturait la fin d’une saison, rituel commémorant la cosmogonie, le carnaval a aussi une fonction catharsis ; où toutes les limites, les barrières de la vie sociale sont renversées, exprimant parfois une résistance du peuple et de ces traditions païennes. Ainsi pratiqué avant le carême (le jeûne) dans les pays d'obédience catholique ; son nom vient de carne (la viande) et symbolise les derniers jours où la viande est permise : le Mardi gras !
Le carnaval a aussi son sens social et politique car il permet d’inverser les rôles et les genres. Le fait de se grimer modifie tous les repères, les genres : homme-femme, les statuts sociaux : ce jour-là le puissant peut devenir valet et vice-versa, les protocoles attribués aux puissants le sont aussi car le déguisement permet de transgresser les interdits. Enfin, le carnaval rejoue le chaos primordial bousculant même la limite entre le monde des vivants et des morts. 

Bilmawen : programme 2015

Pour l’édition 2015 du carnaval Bilmawen, les associations commenceront à défiler dès le jour de l’Aïd avec trois jours de clôture intenses les 09, 10 et 11 octobre ponctués de soirées culturelles au rythme des musiques folkloriques du Souss (Ahwach/Rayss), et de la grande parade le 10.
Une table ronde aura également lieu traitant de cette tradition séculaire ainsi qu’une exposition de photographie et, peut-être, l’élaboration d’un livre commémorant cette tradition. Nous avons très envie d’y être et de participer à ce vrai carnaval traditionnel qui rend hommage au patrimoine culturel marocain et du Souss. A la question "la région a-t-elle les moyens –infrastructures- nécessaires pour accueillir des visiteurs venus du Maroc, du Monde ?" Mr Ouamane nous a répondu que "la région s’y était préparée et n’attendait que ça !" alors avant que ce carnaval, comme d’autres soit envahi ; rendez-vous à Agadir, à partir du 24 septembre !
Quelques photos de l’édition 2014 pour vous convaincre si c’était encore nécessaire.

Texte Nathalie Perton
Photo DR 

 

Nathalie PERTON
Editor Made in Agadir
15 septembre 2015