Aknari, taknarit

Le bon cactus
Alice Joundi
Editor Made in Agadir
6 octobre 2015

Le figuier de Barbarie et son fruit, la figue, sont une ressource précieuse pour le Maroc. Une récente incursion de Made in Agadir au pays des Aït Baâmrane où on le cultive particulièrement nous permet de vous donner aujourd’hui quelques détails sur cette richesse parfois sous-estimée, voire totalement méconnue.

Provenance et caractéristiques de cette plante

Appelée aussi nopal, c’est un cactus originaire du Mexique qui pousse spontanément au Maroc. Elle était inconnue avant que Christophe Colomb ne découvre les Indes Occidentales, l’Amérique. Son aire s’est nettement agrandie au XIXe siècle. Opuntia ficus indica est son nom scientifique, une appellation que l’on retrouve naturellement en Italie : fico d’India (figue d’Inde) puisque la plante occupe tout le pourtour méditerranéen. "Kermous l’hendi" (arabe), "tchimbou", "ahendit" ou encore "taknarit" dans le Souss, sont les noms que l’on utilise au Maroc pour ce fruit. Compagne de nos étés, la figue de Barbarie, qui apparaît en quantité sur les carrossas dès la fin du mois de juin, est très appréciée pour son pouvoir rafraîchissant et son coût modique. Selon les variétés, ce fruit peut peser de 50 à … 400 g ! De couleur jaune (sulfarina), rouge (sanguigna) ou blanche (muscaredda), sa chair offre des saveurs douces variées et une bonne dose de vitamine C mais renferme immanquablement de nombreux pépins (environ 300 pour un fruit de 150 g). Les minuscules épines qui la recouvrent rendent la figue délicate à manier (elles sont très difficiles à enlever une fois qu’elles ont pénétré votre peau) et les vendeurs la laissent tremper dans l’eau pour qu’elles se détachent, leur permettant ainsi de la peler pour leur client. Mais attention, soyez modérés dans votre consommation, sous peine de souffrir au mieux d’une constipation, au pire d’une occlusion intestinale due à ces maudits pépins.

Maudits pépins ?

Eh non, ces pépins sont au contraire recherchés puisque les variétés de figues qui en renferment le plus sont sélectionnées et cultivées avec soin. En effet, la pression de leurs graines donne une huile cosmétique extrêmement riche en vitamine E (plus de 100 mg/100 g), l’une des plus chères au monde du fait de la quantité de fruits nécessaires pour obtenir un litrE – il faut 30 kg de figues pour obtenir 1 kg de graines et 33 kg de graines pour obtenir 1 l, donc presque une tonne de fruits – mais son puissant pouvoir anti-oxydant en fait quasiment un élixir de jouvence pour votre peau !!! Allez faire un petit tour à Sbouya, près de Mesti, au nord de Sidi Ifni, interrogez les femmes des coopératives spécialisées sur les bienfaits de cette huile (65 % d’acides gras polyinsaturés contre 33 % pour l’argan) et choisissez votre flacon, votre crème antirides ou anti-vergetures, etc.

A part la production d’huile, à quoi servent la plante et son fruit ?

Vu les épines féroces (et bien visibles celles-ci) qui recouvrent les "feuilles" (en fait des cladodes dénommées raquettes) du figuier de Barbarie, on imagine sans peine la première utilisation des espèces non destinées à l’industrie cosmétique : ce sont des clôtures difficiles à franchir ! De plus, la plante retient le sol et freine efficacement son érosion. Une seule espèce ne porte pas d’épines sur ses raquettes (on dit qu’elle est inerme), qui sont donc un fourrage idéal pour le bétail. A l’état de jeunes pousses, les raquettes sont coupées en lamelles et plongées dans du vinaigre pour être utilisée en légume comme la salicorne.
La figue, si elle n’est pas consommée crue, est transformée en délicate confiture. Sur le plan médical, le fruit a des propriétés prouvées contre le diabète et le cholestérol et les recherches continuent. Enfin, le figuier de Barbarie renferme 2 pigments, un jaune (indicaxanthine) et un violet (bétanine), qui sont des colorants alimentaires naturels.

La plante se reproduit de façon végétative (par opposition à sexuée) et sa multiplication est donc facile : on coupe une raquette ou un morceau de raquette et on le plante directement dans la terre ; la bouture prendra d’autant mieux que le sol est filtrant…

Texte et photo Isabelle de Balathier

Alice Joundi
Editor Made in Agadir
6 octobre 2015