Agadir : une découverte scientifique "colossale"

P. Amazighi et R. Soussi
Nathalie PERTON
Editor Made in Agadir
2 décembre 2014

De quoi s’agit-il vous dîtes-vous ? Deux comètes découvertes par des astrophysiciens berbères ? Une nouvelle planète ? Un nouveau virus ? Rien de tout cela, il s’agit plutôt du monde marin mais aussi de l’avancée de la biologie et donc de l’avancée des recherches universelles sur l’histoire du vivant.

Ce sont les noms donnés par les chercheurs qui en sont les découvreurs à deux espèces jusqu’alors inconnues de mollusques sur les côtes d'Agadir cet automne 2014. Résultat d’investigations marines menées pendant plusieurs années par des chercheurs marocains, français, espagnols; validée selon les procédures internationales, cette découverte vient d'être annoncée dans des journaux spécialisés tels Bulletin of Marine Science et American Malacological Bulletin. Vous avez envie de fermer la page ? Vous ne trouvez pas l’idée de ces deux invertébrés très révolutionnaire ou moins époustouflante que s’il s’était agi d’une découverte spatiale ? Hé bien si l’infiniment grand nous séduit parce qu’il nous donne le vertige, mais nous nous plaisons à rappeler que l’infiniment petit peut l’être aussi et plus encore que les découvertes du premier sont indissociables des découvertes concernant le second.

Espèce de mollusque !

S’il existe déjà une dichotomie entre l’Homme et l’animal – partant du postulat de la supériorité du premier - (et ce même si certains ont largement modifié leur discours à ce sujet au cours des siècles) ; il existe une véritable seconde idée reçue, celle d’une supériorité de certains animaux sur les autres, totalement subjective et bien loin des considération scientifiques. De la même façon, il n’est pas rare, même dans notre langage de tous les jours d’associer le mollusque, l’invertébré, le mou à des connotations péjoratives. A tord.

De l’intelligence du mollusque

Aussi peu attirants ou attachants soient-ils, les mollusques font partie du règne animal en cela qu’ils peuvent se reproduire, se nourrir et ont des terminaisons nerveuses (grossièrement, mais c’est un résumé de la définition scientifique). Car l'organisation interne des animaux peut être d’une complexité très variable, depuis la colonie de cellules relativement amorphes que forment les éponges, jusqu’aux organisations très complexes des insectes ou vertébrés. D’ailleurs ils – les mollusques-  sont loin d’être la catégorie animale la " plus élémentaire " puisqu’ils ont une organisation bien plus complexe selon les chercheurs que celle des éponges de mer, des méduses ou du corail. Au-delà de cela, ils sont très nombreux : 100 à 200 000 espèces et sont présents sur terre depuis 500 millions d’années ; juste après l’explosion cambrienne et bien avant les dinosaures et des millions d’années avant l’homme ! Et cela ce n’est pas troublant ? Ca ne donne pas un peu le vertige ? Enfin, que dire de cela sinon que leur présence au monde bien avant d’autres espèces- aujourd’hui disparues ou non- et après, relate bien d’une grande capacité d’adaptation et donc d’une certaine forme d’intelligence.

Du vertige de la malacologie à l’éloge de la mollesse

Si la découverte des deux mollusques participera notablement aux recherches menées sur la biodiversité marine et sur l’exploration des fonds marins au Maroc encore mal connus ; si les aspects écologiques de la découverte sont indiscutables ; ce que nous a enseigné cette découverte c’est que la malacologie, l’étude des mollusques, constitue une partie fondamentale des recherches sur l’histoire du vivant et qu’en découvrant des mollusques, comme des fossiles, les chercheurs apportent une pierre à l’édifice de la datation de la présence de vie humaine sur terre. Au-delà de ça, à une période où, dans tous les domaines, on s’aperçoit que les stéréotypes ou les idées préconçues qui partageaient le monde sont caduques ; il n’est donc pas inutile de rappeler que le mou, considéré comme associé au manque de résultats, de productivité, à la lenteur, recèle un dynamisme, une capacité d’adaptation qui lui sont propres et qui, à l’instar des végétaux qui nous étonnent à mesure que nous nous y intéressons, ont probablement un fonctionnement, une communication, qui dépasse même les critères élaborés aujourd’hui pour en juger.

En cela ces deux jolis invertébrés qui ressemblent à des fleurs exotiques évoquent la grandeur et l’aspect fascinant de l’univers et de l'évolution de la vie sur notre planète, ils symbolisent justement la rencontre de l'infiniment grand et de l'infiniment petit lorsque chercheurs biologistes et physiciens se doivent de travailler ensemble afin de dater la vie sur notre planète ou sur les autres...

Texte Nathalie Perton
Photo DR 

 

Nathalie PERTON
Editor Made in Agadir
2 décembre 2014